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messe d’Haydn qu’on a inauguré la fête ; un Tantum ergo, chœur à quatre parties, sans accompagnement, a rempli le second numéro du programme. Ce morceau original, qui a été assez bien rendu, est d’un compositeur russe Bortniansky, qui a été le réformateur de la chapelle impériale de Saint-Pétersbourg. Il a laissé, parmi des œuvres nombreuses, quarante-cinq psaumes qui lui ont valu une réputation presque européenne. Bortniansky est mort à Saint-Pétersbourg le 9 octobre 1828, âgé de soixante-quatorze ans. Nous ne dirons rien d’un fragment du Miserere de Jomelli, pas plus que d’un Dominus Deus de l’abbé Clari, deux morceaux qui, pour être bien interprétés, exigent des artistes familiers avec le style de ces maîtres du XVIIIe siècle. Après une chanson française à quatre parties d’Orlando di Lasso, les Vendanges, où l’on reconnaît l’imagination riante du contemporain de Palestrina, sont venus des fragmens de l’oratorio Élie de Mendelssohn, dont l’exécution a laissé beaucoup à désirer. En général il semble que l’honorable M. Vervoitte n’ait pas un instinct assez sûr pour indiquer les vrais mouvemens d’une grande composition ; il hésite, et ses gestes sont indécis et manquent de vigueur. La seconde partie du programme contenait d’abord un fragment d’un psaume de Pergolèse, Dixit Dominus, sextuor avec accompagnement d’orchestre. Écrit dans le style connu de ce doux génie, qui a écrit la Serva Padrona et le Stabat, le sextuor a été chanté avec justesse et ensemble. Un chœur à quatre voix, Gaudeamus, est une composition originale de Carissimi, où le bel esprit a mêlé la gaîté aimable avec la prière ; après ce piquant badinage, on a chanté un quatuor tiré d’un psaume d’Aiblinger, compositeur allemand d’un grand mérite. Je l’ai connu à Munich vers 1826, où il remplissait les fonctions de sous-maître de chapelle. Aiblinger est allé plusieurs fois en Italie, où il s’est fait connaître par des opéras qui ont eu un certain succès ; mais c’est dans la musique religieuse que ce maître a mérité la belle réputation dont il jouit en Allemagne. Un chœur de Lulli, Après l’hiver, et des fragmens du Samson de Haendel ont été les derniers morceaux de la séance dont nous venons de rendre compte. M. Battaille, à qui était confiée l’exécution d’un air magnifique, — Reviens, dieu des combats, — a été ridicule comme il l’est au théâtre depuis longtemps. Ce troisième concert de la Société académique n’a pas répondu à ce qu’on attendait du zèle de M. Vervoitte.

Nous faisons des vœux cependant pour que cette association d’amateurs distingués, qui s’est proposé un si noble but, se maintienne et continue à remplir sa mission de faire entendre à un public choisi les monumens de la musique religieuse. L’école de Choron avait été fondée en 1816, précisément pour propager et faire connaître les œuvres des maîtres des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, et c’est dans cette institution célèbre qu’on entendit pour la première fois, en France, des fragmens de Palestrina, d’Orlando di Lasso, de Scarlatti, de Porpora, de Pergolèse, de Haendel, de Bach, de Graun, et de tous les compositeurs qui ont précédé l’époque où nous vi-