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REVUE DES DEUX MONDES.

père a été un des hommes les plus remarquables de ce siècle par la variété de ses aptitudes : il connaissait toutes les langues, toutes les littératures ; il avait la passion des voyages, et l’on sait quel butin d’impressions poétiques, d’observations morales, et au besoin, comme cela lui est arrivé pour les États-Unis, d’appréciations politiques il rapportait de ses excursions lointaines et multipliées. Son séjour de prédilection fut Rome. Personne n’a connu mieux que lui la ville éternelle et n’a su la mieux reconstruire dans ses divers âges. Il lisait, nos lecteurs s’en souviennent, dans ses monumens comme en de parlantes chroniques, et c’est par un dernier fragment de cette histoire de Rome illustrée par les documens de son architecture qu’il a fait, pour ainsi dire, ses adieux à la Revue.

E. Forcade.

REVUE MUSICALE.


Le 14 mars, on a exécuté dans l’hôtel princier de M. le comte Pillet-Will une messe à quatre parties de Rossini. J’ignore à quelle époque le grand maître s’est occupé d’une œuvre qui marquera non-seulement dans la vie de l’auteur de Moïse et de Guillaume Tell, mais qui sera une date dans l’histoire de la musique religieuse. Les admirateurs les plus sincères de Rossini n’auraient pu deviner que ce génie, le plus fécond et le plus varié qui ait écrit pour le théâtre, aborderait à soixante-douze ans un genre de composition dans lequel il n’avait produit que le Stabat. Le Stabat, qui a été exécuté dans toute l’Europe, est certainement une œuvre remarquable, mais le sentiment religieux, tel que le comprend le christianisme, n’y est exprimé que faiblement, et il n’y a guère que le quatuor sans accompagnement, — quando corpus morietur, — qui soit pénétré un peu de l’esprit de l’Évangile.

Rossini donne plaisamment à sa nouvelle œuvre, qui renferme onze morceaux fort développés, le titre de petite messe solennelle. Dès le Kyrie, qui débute par un chœur vigoureux, on sent la main du maître, et le Gloria se termine par une fugue d’une durée peut-être un peu excessive, mais qui produit néanmoins un effet puissant, parce que Rossini a su relever cette forme scolastique d’harmonies et de. modulations modernes d’une hardiesse inouïe. Dans tous les morceaux de cette grande composition, Rossini a mêlé les formes dialectiques de l’ancienne musique religieuse au coloris, aux riches développemens de l’art moderne. Le public d’élite qui écoutait cette merveille fit recommencer la fugue dont nous venons de parler ; elle se termine par le premier mouvement du Gloria. Un trio remarquable, pour soprano, ténor et basse, exprime d’une manière nouvelle le Gratias ; le Domine est rendu par un air de ténor dont il n’y a pas grand’chose à dire,