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toute chose, et il s’est mis à nous parler commerce, industrie, budget, procédés agricoles, association, chemins de fer, colonies, et le reste. C’est un homme singulièrement instruit, plein de connaissances variées, et d’abord il commence par une profession de foi quelque peu présomptueuse peut-être. «L’école à laquelle j’appartiens, dit-il, se compose d’esprits positifs, rebelles à toutes les séductions de l’hypothèse, résolus à ne tenir compte que des faits démontrés. » M. Edmond About, pour ne point sortir du domaine des faits naturels et démontrés, vous dira donc ce que c’est que le budget et en quoi il se décompose, quelle est votre part personnelle et distincte de contribution, ce que vous payez pour la liste civile, pour l’armée, pour la magistrature, pour votre préfet, pour les arts, pour l’Institut, pour le garde champêtre, pour l’exécuteur des hautes œuvres : 3 francs pour ceci, 5 francs pour cela, 20 centimes pour le bourreau! Il vous dira bien d’autres choses, ce que vous payez si vous consommez du sucre indigène, ce que doit et peut dépenser chaque ménage de campagne, ce que le purin a de vertu pour les terres, comment le progrès peut s’accomplir par l’association, qui centuple la richesse publique, par l’assainissement, qui diminue la mortalité, par le développement de l’initiative individuelle substituée à l’action de l’état, par les chemins de fer, qui multiplient les communications. M. Edmond About vous dira tout cela, et son idéal de progrès n’est point après tout d’un ordre démesuré : c’est un omnibus. « En vérité, je vous le dis, l’omnibus n’est pas seulement une voiture à quatre roues, c’est le char du progrès, le symbole de l’association pacifique fondée sur la liberté. On y entre quand on veut, on en sort sans demander la permission de personne, tous les voyageurs ont les mêmes droits... Le conducteur, autorité modèle, obéit poliment au public qui le nourrit... Ce fonctionnaire tout privé n’a pas d’opinion, ne fait pas de zèle, ne commet pas d’abus, attendu que l’omnibus est une association étrangère à la politique et à toutes ses absurdes conséquences. Comprenez-vous maintenant pourquoi les émeutiers, gent stupide et brutale, préludent toujours au renversement des lois par la culbute des omnibus ? »

Ce livre est vraiment plein de choses instructives et inattendues. Je ne méconnais pas assurément la haute signification morale de l’omnibus, ainsi troublé dans sa modestie par ce dithyrambe humoristique. Je ne me méprends pas du tout sur la part qu’ont dans le progrès général et définitif tous les avantages partiels et matériels qu’énumère la verve un peu prolixe de M. Edmond About. Que l’association transforme et accroisse la richesse publique, que la mortalité diminue encore après avoir diminué depuis un demi-siècle, que les perfectionnemens agricoles et le bien-être se déve-