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de vie réellement libre. La liberté, elle n’est point certainement dans les diminutions inintelligentes du pouvoir là où le pouvoir a un rôle naturel et légitime, mais dans tout ce qui étend la sphère de l’action indépendante de l’homme, dans tout ce qui fortifie l’initiative et les garanties individuelles, dans tout ce qui réduit cette tutelle ombrageuse et absorbante de l’état, qui dévore les gouvernemens eux-mêmes. Au fond, c’est là le vrai et simple libéralisme, celui auquel se rattache M. Lanfrey. De là les sévérités de l’auteur des études pour le consulat et l’empire, où tout se tient à ses yeux, où entre le commencement et la fin il ne distingue pas ces nuances qui ont pourtant quelque degré de vérité, où tout réside dès le premier jour dans ce pouvoir absolu, conçu et servi par le génie, qui conduit logiquement, fatalement à l’absorption de tous les droits politiques à l’ultérieur et à la dictature à l’extérieur, c’est-à-dire à la mort sous le poids des impossibilités nées de son principe même; de là encore l’antipathie de l’auteur pour les doctrines et la politique du jacobinisme dans la révolution d’autrefois aussi bien que pour les doctrines du socialisme dans les temps nouveaux. C’est un jeune girondin jugeant les événemens à cette mesure, pour ce qu’ils ont fait en faveur de la liberté, dans leur rapport avec ce grand principe qui a inspiré et dominé la révolution française, et sans lequel l’égalité elle-même n’est qu’un élément de servitude.

Sentiment supérieur de la moralité humaine, goût de la liberté, ce sont là les deux choses qui se retrouvent dans cette critique philosophique et politique, qui font son originalité et lui donnent un accent d’indépendance poussé parfois jusqu’à une certaine verdeur d’expression, et si on reproche par instans à l’auteur la sévérité de ses jugemens, il répondra que « par ce temps de critique relâchée ce qui semble excès de rigueur pourrait bien n’être que stricte justice. » Ce que le jeune écrivain poursuit donc dans l’histoire comme dans le présent, c’est la prédominance de la loi morale et de la liberté. Il a certes choisi deux clientes qui ont le droit de ne s’abaisser devant rien, ni devant le génie, ni devant le succès. Ce sont les deux nobles ouvrières de toutes les grandes choses qui se font dans le monde, et sans elles rien ne se fonde, rien ne dure ; le progrès lui-même, le tout-puissant progrès, est diminué dans sa signification et redevient, je le crains, cet assemblage assez confus, un peu subalterne, auquel M. Edmond About vient de chanter un hymne en cinq cents pages, — l’hymne d’un homme positif, spirituel, content de lui et assez habile pour ne se brouiller ni avec la république, ni avec les puissances du jour, en remuant toutes les questions de liberté et de progrès. On est ici, si je ne me trompe, dans une atmosphère bien différente de celle où se complaît l’énergique