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Du reste, même les applaudissemens, et Pompée dut en recevoir quand il était encore glorieux et semblait puissant, retentissent tristement à notre oreille, à travers les siècles, parmi les ruines de son théâtre, car nous savons la fin lamentable qui l’attendait, et Lucain a eu raison de dire : « Pourquoi ceux qui remplissaient ton théâtre ne t’ont-ils pas pleuré ? »


Qui te non pleno pariter planxere theatro ?


Ces jeux ne plurent point à Cicéron, qui en ce moment était fort mécontent de Pompée et de tout le monde. On avait, selon lui, déployé un grand appareil pour peu d’effet. Il avait vu sur la scène des personnages qu’il croyait ne pas devoir s’y trouver, et cette vue l’avait indisposé contre le spectacle, les pièces et les acteurs ; la gaîté manquait. Ésope ne savait pas son rôle ; la mise en scène de Clytemnestre avec six cents mulets, les trois mille cratères du Cheval de Troie, le déploiement de l’infanterie et de la cavalerie lui avaient semblé ridicules. Nous reconnaissons bien Pompée dans ce fastueux étalage. Pompée voulait la dictature : son ambition, plus lente et plus douce que celle de César, comme dit Montesquieu, n’était pas moindre ; seulement il désirait qu’on lui offrît la toute-puissance, que César finit par prendre ; mais le sénat, et c’est là sa gloire, ne voulait pas d’un maître. Pompée employait toute sorte de ruses pour arriver au but qu’il ne devait jamais atteindre. Des tribuns qui lui étaient dévoués, sous prétexte de signes funestes, retardaient l’élection des consuls ; ils prolongèrent l’interrègne de sept mois. Un d’eux proposa enfin que Pompée fut dictateur. Caton et le sénat s’y opposèrent, et Pompée alla bouder dans sa villa d’Alsium.

À mesure que son importance réelle diminuait, il prenait des airs plus importans. Jusqu’à son triomphe, il avait vécu simplement dans sa maison des Carines, si modestement ornée que son successeur (c’était, il est vrai, le voluptueux Antoine) s’écria : « Où donc soupait Pompée ? » Mais après ce triomphe, première date du déclin de ses prospérités. Pompée renonça vite à cette simplicité qui avait jusque-là formé un honorable contraste avec les profusions de César, et il se fit construire une maison beaucoup plus belle que la première auprès de son théâtre. C’était, à vrai dire, un suburbanum, car le théâtre était hors de la ville, mais très voisin de la porte Carmentale. Cette résidence convenait par là même à Pompée, qui affectait de se tenir à l’écart, et il trouvait commode, pour ses menées dans les élections, de n’être pas trop en vue. Ceux dont il achetait le suffrage savaient bien l’aller trouver dans ses nouveaux jardins, où il leur en payait le prix.

En présence des incertitudes et des mollesses de Pompée, l’agi-