Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/704

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pito lui annonça des signes funestes. Arrivé à la porte de la ville, le peuple ne voulait pas le laisser partir, et il ne put la passer que protégé par les soldats de Pompée. Le tribun le somma encore de s’arrêter, ordonna aux serviteurs publics de le saisir et le voua aux dieux infernaux.

Ce furent les tristesses de sa situation politique qui firent de Cicéron un écrivain. Son premier écrit considérable est le Traité de l’Orateur. Cicéron a placé les interlocuteurs de ce dialogue dans la villa de L. Crassus, près de son cher Tusculanum, non loin duquel le jurisconsulte Scævola, un des personnages du dialogue, avait, lui aussi, une maison. L. Crassus, dont l’éloquence était célèbre, et d’autres Romains de la génération qui avait précédé Cicéron, discutent sur l’art oratoire sous un beau platane, tel qu’on en pourrait trouver encore aux environs de Frascati, non pas, comme les interlocuteurs du Phèdre de Platon, étendus avec le laisser-aller des mœurs grecques sur un gazon odorant aux bords de l’Ilissus, mais gravement assis, dans leur majesté sénatoriale, sur des coussins. Le lendemain du jour qui avait vu le premier de ces entretiens, Crassus, tombé soudainement malade, était couché dans sa villa de Tusculum. Le jeune Sulpicius et l’orateur Antonius se promenaient sous le portique quand arrivèrent de Rome Q. Catulus et C. Julius César Strabo ; ayant entendu parler des conversations de la veille, ils venaient écouter et Crassus et l’autre grand orateur Antonius, qui devait ce jour-là parler sur toutes les parties de l’éloquence. Crassus y consent à la condition qu’ils passeront la journée entière chez lui. Cette invitation est faite et acceptée avec cette courtoisie grave et fine qui était l’urbanité romaine, qui règne dans tout l’ouvrage et qu’on aime à retrouver parmi ces grands personnages en sortant, comme eux, des violences de la curie et des turbulences du Forum. On se sépare un peu avant midi : c’est l’heure en effet où la chaleur se fait sentir le plus vivement à Rome ; puis, après deux heures de repos, on se réunit dans la forêt voisine, et on reprend les discours du matin dans cet endroit ombreux et frais (opacus et frigidus). Cette mise en scène n’offre pas le charme exquis de celle qu’on admire dans quelques dialogues de Platon ; mais elle a aussi le sien, elle est locale et vraie. Comme il est doux de lire le Phèdre au bord de l’Ilissus, il y a plaisir à lire le de Oratore sous les platanes et dans la forêt de Frascati, dont il reste un peu plus que des beaux arbres qui, au temps de Platon, ornaient les rives aujourd’hui dépouillées de l’Ilissus.

Pendant les neuf ans employés par César à soumettre la Gaule, Pompée ne fit qu’une chose, son théâtre. C’était sans doute ; une grande captation pour les Romains que ce premier théâtre en pierre