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Yssel 120,000; la Drenthe n’en avait pas 40,000, dont 6,000 seulement dans les villes. Dans cette dernière région, la population a plus que doublé en un demi-siècle, tandis qu’en même temps la condition des habitans s’améliorait beaucoup, et cet accroissement s’est produit, non comme dans d’autres pays par le développement de l’industrie et du commerce, mais uniquement par les progrès de l’agriculture. On sait comment le sol arable de certaines régions de la Néerlande a été conquis pas à pas sur la mer, sur les sables et sur les tourbières, offrant au cultivateur ici une argile d’une merveilleuse fécondité, là un terrain tout à fait artificiel, mais composé avec tant d’art et si convenablement fumé que ses produits égalent ceux de la région la plus favorisée. La population ne s’est donc pas accumulée sur une superficie immuable en s’avançant ainsi, comme le prophétisent les économistes, vers une gêne croissante : elle s’est répandue sur des espaces nouveaux tirés du néant, pour ainsi dire, par son propre labeur, elle a colonisé le territoire même du pays. L’étendue de la surface productive s’est accrue plus rapidement encore que le chiffre de la population, circonstance qui ne peut manquer de favoriser le bien-être de la nation tout entière[1]. Maintenant les Pays-Bas figurant parmi les états les plus peuplés relativement à l’étendue du territoire. Au 30 décembre 1860, la Néerlande comptait 3,336,000 habitans, ce qui fait exactement un habitant par hectare. C’est la même proportion qu’en Angleterre, soit environ un tiers de plus qu’en France et un tiers de moins qu’en Belgique. La population des villes forme le tiers du chiffre total, les deux autres tiers appartiennent aux classes rurales, de sorte qu’on trouve à la campagne précisément un habitant par hectare de terrain productif, ce qui ferait une moyenne de 4 hectares l/2 par famille. Si l’on tient compte de la fertilité exceptionnelle d’une partie du royaume, cette proportion prise comme moyenne paraît suffisante. Aussi la condition des populations rurales est-elle en général assez heureuse : elles consomment une grande quantité de produits animaux sous forme de lard, de poisson, de lait et de fromage. Les boissons seulement laissent beaucoup à désirer. Les habitans des campagnes néerlandaises n’en ont point de généreuses ou de forti-

  1. Il est bien remarquable que malgré le déclin si rapide de son énorme commerce de transports maritimes, la ville d’Amsterdam n’ait point vu sa population diminuer pendant le XVIIIe siècle, tandis qu’en des circonstances analogues Anvers, Gand, Bruges, perdaient les deux tiers de leurs habitans; c’et qu’elles avaient cessé d’être libres, tandis qu’Amsterdam l’était restée malgré ses revers. Avant l’époque de la réforme, ce n’était qu’une insignifiante bourgade perdue dans les marais de l’Y; en 1657, elle avait 145,000 habitans, en 1685 185,000, et en 1748 241,000, chiffre qui s’est maintenu jusqu’à la fin du siècle. Cela fait supposer que l’accroissement de la production intérieure compensait la décadence du commerce extérieur.