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d’Angleterre, le chevalier Temple, cet excellent et profond observateur, croyait même que la Hollande de son temps ne produisait pas assez de grain pour nourrir les ouvriers employés à la conservation de ses digues. D’autres affirmaient que la production agricole répondait environ au cinquième des besoins de la consommation. Les opulentes cités de la région basse et même les campagnes, dont le beurre et le fromage constituaient les seuls produits, s’habituèrent ainsi à puiser dans les vastes approvisionnemens que le commerce de transit mettait à leur disposition, et elles pouvaient se vanter avec raison de manger du pain à meilleur compte que les autres nations, surtout à un prix moins variable, elles qui n’en récoltaient pas elles-mêmes. Depuis le XVIIIe siècle heureusement, la production des céréales a beaucoup augmenté dans les Pays-Bas: des terres nouvelles, propres à cette culture, ont été conquises sur les eaux ; on a ouvert de bonnes routes, reliant l’intérieur du pays aux marchés de la côte, et l’on peut prévoir le temps où la Néerlande se suffira sous ce rapport à elle-même. Déjà elle ne demande plus à l’étranger, année moyenne, que de 800 à 900,000 hectolitres de céréales. C’est à peu près la même proportion qu’en Angleterre; mais c’est quatre fois moins qu’en Suisse, où l’importation, s’élève à 1 hectolitre par tête.

La pomme de terre, avons-nous vu, entre pour une grande part dans l’alimentation publique; aux repas de midi et du soir, elle tient lieu de pain. Dans les dîners mêmes qui se composent de plusieurs plats, elle sert d’accompagnement obligé à chaque mets. Aussi le chiffre de la récolte totale est-il très élevé; il monte à plus de douze millions d’hectolitres, ce qui fait environ quatre hectolitres par tête. On cultive encore beaucoup d’avoine et d’orge. Le produit de la première de ces céréales est de trois millions et demi d’hectolitres, et celui de la seconde d’un million et demi. Parmi les plantes industrielles, les plus importantes sont le colza, le lin, la garance et le tabac, qui donnent une valeur annuelle de trente à quarante millions de francs; mais il est d’autres produits dont s’enorgueillit avec non moins de raison l’agriculture néerlandaise et qui donnent lieu à un immense commerce d’exportation : ce sont ceux des innombrables et magnifiques troupeaux répandus dans ses vastes et riches pâturages. Je n’ai trouvé nulle part une estimation satisfaisante de la valeur de ces produits ; il faut donc se résoudre à la fixer approximativement et par voie de comparaison. Je crois qu’on peut porter la quantité de lait que donne une vache en Hollande à environ 2,000 litres par an[1], ce qui, au prix de 10 centimes, ferait un

  1. Je sais parfaitement qu’il n’est pas rare de trouver en Hollande des vaches nouvellement vélées qui donnent la quantité énorme de 24, même de 30 litres par jour, et qui arrivent au bout de l’année à 4,000 ou 5,000 litres; mais ce sont là des exceptions. J’ai sous les yeux des tableaux faits avec soin qui indiquent le produit annuel de chaque vache dans différentes étables des deux provinces de Hollande, et les chiffres varient entre 5,000 et 2,000 litres. On pourrait donc me reprocher de m’être arrêté au chiffre le plus bas et de ne pas avoir pris la moyenne; mais les deux Hollandes sont les provinces où se rencontrent évidemment les vaches les plus lactifères, et ce n’est pas d’après celles-ci qu’il faut juger celles de la Drenthe, de l’Over-Yssel, de la Gueldre et du Brabant. Les animaux de dernière qualité de la Hollande ou de la Frise peuvent être pris, me semble-t-il, comme moyenne pour tout le pays.