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que l’énergique stimulant de la propriété privée intervienne. Maintenant du moins l’obstacle qui résultait des institutions locales a disparu en grande partie, et déjà l’étendue des terrains improductifs diminue chaque année.

L’examen de la répartition des cultures suffit pour faire deviner que les produits végétaux entrent dans le chiffre total de la production agricole pour une moins forte part que les produits animaux, et en effet les statistiques montrent que la Hollande récolte peu de céréales, surtout extrêmement peu de froment. Comme le froment n’est cultivé que dans la région fertile, le produit moyen est élevé : il monte à 22 hectolitres par hectare; mais dans la région basse il est peu de terres qui conviennent à cette céréale : les terres légères sont trop maigres et les terres grasses des polders sont trop fortes, surtout quand elles sont nouvellement endiguées. Il y a même des provinces entières qui n’en cultivent pour ainsi dire point du tout, comme la Drenthe et l’Over-Yssel. La récolte totale du froment ne dépasse pas 1,800,000 hectolitres, ce qui fait à peine un demi-hectolitre par habitant. C’est moitié moins qu’en Belgique, et seulement le quart de la proportion qu’on a constatée en France. Il est vrai que le pain de froment est un aliment de luxe qu’on ne rencontre que dans les maisons riches, et encore en très petite quantité. On consomme généralement du pain de seigle, non-seulement dans les campagnes, mais encore dans les villes. Aussi la récolte de cette céréale est-elle deux fois plus considérable que celle du froment : elle dépasse 3 millions 1/2 d’hectolitres, soit environ 1 hectolitre par habitant. Quoique en Hollande on mange relativement peu de pain, et qu’il faille encore tenir compte d’environ 1 million 1/2 d’hectolitres de sarrasin, dont une grande partie sert à l’alimentation des populations rurales, la récolte totale des céréales est insuffisante pour faire face aux besoins de la consommation. Cette insuffisance de la production nationale date de l’affranchissement des Provinces-Unies, et du prodigieux développement de population et de richesse qui en fut la suite. Les grandes villes commerciales étaient toutes placées le long des côtes, dans la région des pâturages, qui ne produisaient guère de céréales; les communications avec l’intérieur du pays étaient rares, difficiles, et il était bien plus aisé aux marchands d’Amsterdam de tirer les approvisionnemens de la Baltique et même de la Mer-Blanche que de la région haute, qui d’ailleurs avait peine à suffire à ses propres besoins. Les navires hollandais transportaient les grains de la Russie en Flandre, en France, jusque dans la Méditerranée, et pendant le XVIe et le XVIIe siècle on put dire sans exagération que la Hollande, qui ne cultivait pas de blé, n’en était pas moins le grenier d’abondance de toute l’Europe. L’ambassadeur