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lées et le soulèvement des montagnes. Les nivellemens à grande distance présentent au reste un autre intérêt : ils permettent de comparer le niveau relatif des différentes mers. On avait cru pendant longtemps que la Méditerranée est à quelques mètres plus haut que l’Océan. La triangulation de la carte de France a prouvé que ces deux mers, en les supposant dans un état de repos absolu, ne formeraient qu’une seule et même surface de niveau. Cette surface, que l’on suppose, par une conception idéale, prolongée sans interruption au-dessous du solde la France, est le repère auquel sont rapportées les altitudes de tous les autres points du territoire.

C’est après que la géodésie a fixé les coordonnées géographiques des points principaux du pays que commence le travail de la topographie proprement dite, d’abord la planimétrie, que l’ingénieur exécute en explorant le pays et dessinant à mesure sur le papier, puis le modelé du sol, qui, a pour but de représenter les pentes des montagnes et les ondulations des plaines. Ce travail, nécessairement moins parfait que la triangulation qui lui sert de canevas (les erreurs sont locales et ne peuvent s’ajouter), doit néanmoins donner une image du terrain aussi fidèle que possible. C’est sur le terrain même que se dessinent les cartes à grande échelle que nous avons entre les mains ; mais, pour rendre sur une feuille de dimension très restreinte l’infinie variété d’apparence du sol, il a fallu établir des signes conventionnels, une sorte de dessin figuré dont le sens n’est pas assez généralement connu pour que la lecture en soit toujours facile. Pour lire les cartes et y déchiffrer toutes les indications qu’elles contiennent, il faut une étude préliminaire et la connaissance des signes qui ont été employés par le topographe.


III.

Lorsqu’on examine les cartes anciennes, l’attention se porte d’abord Sur quelques bizarreries de dessin. Des monstres marins d’une forme fantastique nagent sur la surface blanche de la mer, de petits clochers figurent les villages ; les montagnes sont posées en perspective au milieu des plaines, avec des contours nets et bien arrêtés, comme si la nature ne procédait pas toujours par pentes douces et par gradations presque insensibles. On ne saurait mesurer sur ces cartes la largeur d’une vallée, fixer l’emplacement d’un col, ni tracer les limites du bassin d’une rivière. Les cartes topographiques étaient un tableau, une sorte de paysage ; elles sont devenues un plan géométrique aussi vrai dans les détails que le plan d’un édifice. C’est aux géographes français que revient surtout le mérite de cette transformation. Le principe posé étant que la carte doit être une figure semblable au terrain que l’on veut représenter, des in-