à intéresser la cupidité. Le duc d’Aiguillon a insisté sur la nécessité de mettre fin à cette déplorable diète; il supplie votre majesté d’j’employer tous les moyens qui sont en son pouvoir. Il a même dit que si votre majesté vient à bout de terminer immédiatement la diète, le roi de France voudra bien alors avancer le premier quartier des subsides. Dans cette terrible position, voici les expédiens que je propose à votre majesté : c’est, en renvoyant le courrier, 1° d’écrire une lettre très touchante au roi, une très flatteuse à Mme Du Barry, et une pleine de confiance et d’amitié à M. le duc d’Aiguillon : cela est de la dernière nécessité; 2° en cas que tout cela fût sans fruit, de m’envoyer par le même courrier une lettre pour M. de Laborde (le banquier), dans laquelle votre majesté lui rappellera ses offres de service, et le priera de lui faire, pour un temps déterminé, l’avance de 375,000 livres, laquelle somme répond à celle du premier quartier des subsides[1]. »
Enfin, le 16 janvier, Creutz mande, tout joyeux, que les lettres écrites par Gustave III ont produit l’effet désirable; même « la dame qui a la confiance du roi » prend l’intérêt le plus vif à tout ce qui intéresse le roi de Suède. « Elle m’en parle sans cesse, dit-il, et m’a chargé d’exprimer ses vœux à votre majesté. » Mais si le cabinet de Versailles faisait une concession, il en devenait plus exigeant, et demandait en échange l’accomplissement du coup d’état, qui devait, selon ses vœux, mettre à néant les projets conçus par la ligue du Nord, et rendre quelque efficacité à l’ancienne alliance de la France avec la Suède. On écrivait donc de Versailles au comte de Vergennes dès le 23 février 1772 :
« Les choses en sont venues à un point si critique qu’il n’y a peut-être que des moyens violens qui puissent y remédier. Vous en avez assez dit au roi de Suède pour lui faire sentir tous les inconvéniens auxquels il s’exposerait en prenant prématurément des partis de vigueur, et votre conduite ne saurait être trop sage ni trop circonspecte : vous devez continuer de lui donner, dans l’occasion, des conseils de modération, mais sans contredire les mesures que vous aurez lieu de juger qu’il se propose de suivre pour parvenir à son but. «
En réalité, Gustave III lui-même était très résolu. Il avait déjà communiqué plusieurs plans à M. de Vergennes. « Le roi est fort actif, mandait celui-ci; il ne m’a pas caché que son penchant est pour les cas hasardeux... Il n’aspire pas au pouvoir absolu de Charles XI et de Charles XII, mais il veut avoir, comme le roi d’Angleterre, les mains liées pour le mal, libres pour le bien... Il se rapproche adroitement de l’armée. » Les préparatifs de Gustave étaient fort avancés quand plusieurs circonstances extérieures vin-
- ↑ Archives royales à Stockholm; correspondance de France. — Les volumes 35, 36, 37, in-4o, de la collection des papiers de Gustave III à Upsal sont aussi composés des lettres de Creutz.