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quité même, par tous les grands esprits de leur race; ils traduisaient en réalités les poèmes de Dante et les traités de Machiavel. Ces deux intérêts très différens, l’un national, l’autre local, ne pouvaient se concilier et se fondre dès le premier jour. Il y eut donc beaucoup de vœux déçus, beaucoup de vanités humiliées, sans compter l’immense froissement d’intérêts produit par la révolution d’abord, puis par l’annexion, la suppression des douanes, etc. Le gouvernement était naturellement avec les Italiens, dont il suivait l’idée; son premier soin fut d’organiser l’unité le plus complètement possible et de couper les liens qui attachaient ensemble et qui nouaient à Naples les quinze provinces de l’ancien royaume pour les détacher l’une de l’autre et les nouer fortement à Turin. Ce travail précipité augmenta le trouble et la confusion qu’il cherchait à réparer, et fit régner quelque temps dans le pays une véritable anarchie administrative. Au lieu des bienfaits attendus, les Napolitains ne sentirent d’abord que les inconvéniens du nouveau régime, et ne virent plus dans la révolution qu’une sorte d’exploitation étrangère augmentant aux dépens du midi la richesse et l’importance du nord. De leur côté, les Italiens attendaient toujours, toujours en vain, Rome et Venise.

Tels furent les inévitables embarras de la première heure; mais depuis lors, depuis le travail d’unification, les populations méridionales ont commencé à sentir les bienfaits du nouveau régime. Le pouvoir a compris quelle mission lui était assignée dans ses provinces du midi, et que, pour fermer les deux plaies qui les déchirent, il fallait avant tout donner au peuple des écoles et du travail. Il s’est mis à l’œuvre avec une activité dont il faut lui tenir compte. Les écoles s’ouvrent partout, même dans les provinces les plus attardées. Naples en compte à elle seule plus de cinquante entretenues par la municipalité; seize écoles du soir accueillent des milliers d’artisans qui, en un clin d’œil, avec la souple intelligence du midi, apprennent les lettres et les chiffres; il en est qui au bout de deux mois non-seulement savent lire, mais encore, sur le système décimal et métrique, embarrassent leurs examinateurs. Neuf asiles arrachent des centaines d’enfans du peuple aux dangers du vagabondage et aux mauvais conseils de la rue. Chaque province a son lycée, quelques-unes en ont deux; les écoles techniques commencent à se fonder; l’université de Naples, où régnait il y a trois ans le silence dans le désert, est aujourd’hui la première de l’Italie; deux de ses facultés, celle des sciences naturelles et celle des sciences mathématiques, affronteraient la comparaison avec les plus célèbres de France et d’Allemagne; les autres comptent des professeurs éminens, celle de droit deux ministres, MM. Manna et Pisanelli. Toutes ces facultés ensemble forment enfin un magnifique