sont les troupes. Si l’homme leur répond son fameux non saccio, ils le tuent. » Ayant des espions dans tout le pays, ils obtiennent des secours, des munitions, des vivres. Le métier est excellent, et tente les pauvres : il est des endroits où tous plus ou moins s’y livrent, même ceux qui ont d’autres moyens d’existence, le berger, le moissonneur ou le bûcheron. Ils gardent leurs vaches, fauchent leurs blés ou coupent du bois pendant le jour; mais ils ont leur fusil caché dans un sillon ou sur un arbre : ils joignent les bandes à la brune, ou courent seuls les grandes routes pour leur propre compte. Malheur aux passans attardés! Ces brigands d’occasion sont cependant connus, enregistrés; ils travaillent, ils vont le dimanche à la messe; le curé les patronne et répond d’eux; puis leurs fusils sont si bien cachés! Quant aux bandits de profession dans l’ancien royaume, vous en aurez deux ou trois cents au plus; mais si vous voulez compter la tourbe flottante des dilettanti, peut-être en aurez-vous jusqu’à dix mille.
Et parmi ces dix mille scélérats, c’est à peine si l’on trouvera de quatre à cinq hommes qui ne soient pas des bêtes fauves. L’ancien étudiant Tardio, qui écrivait sottement, mais qui du moins savait écrire, est une de ces rares exceptions; encore, à force de hurler avec les loups, finit-il par mordre comme eux : il mit au pillage le bourg de Sacco, dans la province de Salerne. Cipriano La Gala, arrêté sur l’Aunis, puis livré à la France et rendu à l’Italie, passait pour l’un des moins féroces; il était cependant accusé de dix-sept crimes divers, meurtres, incendies, vols qualifiés, etc. C’est lui qui un jour habilla ses hommes en gardes nationaux et osa se présenter à la prison de Caserte en feignant d’y amener un prisonnier. Or Caserte, grande ville et résidence d’un préfet, est exactement à Naples ce que Versailles est à Paris. La prison s’ouvrit aussitôt, et Cipriano eut l’audace d’y entrer avec ses compagnons et de rendre la liberté aux détenus, parmi lesquels se trouvait son propre frère. Les prisonniers délivrés, il les emmena sur les montagnes avant que la force publique eût le temps de se rassembler pour lui barrer le chemin. Ce fut un coup de maître hardiment conçu et vaillamment exécuté. Cipriano par malheur avait d’autres titres à une triste célébrité : il séquestrait les gens et les mutilait sans pitié pour hâter le paiement de leur rançon; il les faisait même rôtir, ont dit des témoins devant la cour de Santa-Maria, qui l’a récemment condamné à mort.
Un autre chef beaucoup moins connu valait mieux, c’était Centrillo ou plutôt Domenico Coja (tous les bandits ont un nom de guerre). Ce villageois de Cardito, ancien soldat dans un régiment de ligne, avait en 1848 crié : vive la liberté! un peu plus fort que les autres. On le mit en prison ; il en sortit royaliste et devint chef