Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/572

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

natelli, un moment garibaldien, car il avait espéré obtenir l’impunité sous la tunique rouge, mais bientôt contre son attente enfermé dans les prisons de Cerignola, d’où il s’échappa pour reprendre son métier. Cet homme fut un des premiers à lever le drapeau blanc. Il réunit une grosse bande en Basilicate dès le mois d’avril 1861 ; il entra dans plusieurs villages et même dans deux petites villes, Venosa et Melfi, où il changea l’administration et vida les caisses. Ce furent les plus grands succès du brigandage, qui depuis n’obtint et ne tenta rien de pareil. Crocco resta trois jours à Melfi, puis, apprenant que les troupes arrivaient, disparut en toute hâte. On ne le revit que plusieurs mois après avec Borjès.

Cependant la plupart des bandes s’étaient formées. On ne peut ici les nommer toutes, on ne peut préciser le nombre et l’importance de celles qui prirent les armes à la première heure. Les documens de 1860, incertains et vagues, jettent peu de lumière. Tout au plus pouvons-nous nommer les principaux chefs qui un peu plus tôt ou un peu plus tard désolèrent le pays. Dès 1861, Chiavone était aux frontières ; Centrillo, Conte, Cuccitto, Maccherone, Fuoco, Tamburrino, dans les Abruzzes et dans la terre de Labour ; Cimino, le Padre Santo, Albanese, d’Agostino, Nunzio di Paola, de Lillis, opéraient dans le Matese, vaste système de montagnes commandant quatre ou cinq provinces, et offrant un sûr refuge aux bandits. Sur les montagnes du Vitolanese et du Taburno, dont le groupe principal forme un large cratère, un excellent point d’appui pour les bandes qui, chassées des Pouilles, veulent se jeter dans le Matese, à Ariano ou à Bénévent, passaient continuellement les hommes de Marzanella, de Martini, de Plensich (tué par la garde nationale de Guardia, un jour qu’il était entré dans ce pays, déguisé en femme), de Marco de Masi, d’Elia, de Struzzo. Dans les bois de Petacciato, Demanio et Tecchio s’enfonçaient avec leurs gens le fameux Pizzolungo, les Abruzzais Casalanguida et Primiano, sans compter un repris de justice, Pinzio. Dans la forêt de la Grotte, selva della Grotta, se jetaient les malandrins des Pouilles et du comté de Molise : Minelli, Vanarelli, Pizzi, Cascione, Layala. La plupart de ces chefs n’avaient avec eux que vingt compagnons. Ce chiffre marque l’importance moyenne des bandes. La Capitanate, moins ravagée qu’elle ne le fut plus tard, était pourtant déjà menacée par les malfaiteurs du Gargano. Dans la terre de Bari, un sergent nommé Romano entra le 28 juillet 1861 dans Gioia, sa ville natale, et s’y campa si bien qu’il fallut pour l’en chasser un siège en règle, où cinquante-quatre brigands périrent. Plus bas, dans la terre d’Otrante, se réunirent bientôt les comitives (c’est le nom consacré) de Pizzichicchio, de Capraio, de Carbone. Dans le massif de la Sila, en Calabre, aire d’oiseaux de proie sous tous les régimes, terrain tour-