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truites par le gouvernement des Bourbons, qui fut réduit à traiter avec elles : on sait par quelle trahison fut massacrée celle de Vandarelli, et par quelle honteuse capitulation celle de Talarico fut dissoute[1]. Une autre demeura plusieurs années sur le Vésuve, où les voyageurs ne se risquaient pas vers 1845 sans être escortés par un gendarme. L’ancien gouvernement ne se donnait pas beaucoup de peine pour combattre ces petites troupes de malfaiteurs ; il n’armait de soldats contre elles que lorsqu’elles grossissaient au point d’inquiéter, non plus seulement les particuliers, mais l’état, comme il arriva en 1856 et en 1857 dans les Calabres. Le général Vial fut alors envoyé dans ces provinces avec des forces considérables ; mais cet adroit officier ne fatigua point ses soldats dans une chasse ingrate, qui les aurait exténués sans profit : il se servit des gardes urbaines et des propriétaires, il organisa les unes en fortes escouades et menaça les autres de les arrêter, si les brigands ne se rendaient pas. Le système réussit complètement ; seulement il arriva quelques années après que ce furent les escouades de gardes urbaines qui désolèrent les campagnes.

Tel était donc le brigandage ordinaire, celui qui exista de tout temps dans l’ancien royaume de Naples à l’état sporadique en quelque sorte. Pour qu’il tournât en épidémie, il fallait une excitation quelconque, un désordre social, une révolution politique où le parti vaincu ne dédaignât pas d’ameuter les bandits sous son drapeau. Il n’est pas besoin de rappeler que le fait s’est reproduit à plus d’une époque dans l’histoire napolitaine. Les vieillards de notre temps ont vu à trois reprises ce fléau terrible suscité par le gouvernement des Bourbons, la première fois en 1799 contre la république de Naples, la seconde fois en 1808 contre l’occupation française, la troisième fois en 1861 contre l’unité de l’Italie. Ces excitations ont donné aux soulèvemens une apparence de guerre civile, qu’ils ne peuvent plus garder depuis que de curieux et authentiques documens[2] sont venus montrer quel est le vrai caractère du brigandage napolitain, quelles sont les causes de sa faiblesse comme arme politique, de sa funeste persistance comme danger social.

Dès que le pouvoir italien se fut établi à Naples, dès que l’armée régulière eut balayé les assiégés de Capoue jusque dans Gaëte,

  1. Voyez à ce sujet une étude de M. Maxime Du Camp, Revue des Deux Mondes du 1er septembre 1862.
  2. Parmi ces documens, citons en première ligne le remarquable rapport de M. Massari : Relazione letta alla camera nel Comitato segreto dei 3 e 4 maggio 1863, le dossier des brigands recueilli par le député Castagnola, les brochures de MM. Carcani et de Honestis, enfin une étude instructive et judicieuse publiée en français à Turin sous ce titre : Des Causes du brigandage dans les provinces napolitaines, par C. L. R.