I.
La frégate la Magicienne, après une courte station à San-Francisco, était à la veille de son départ. Un de ses jeunes officiers, René Gerbaud, qui avait paru fort préoccupé toute la journée, aborda vers le soir un de ses camarades.
— Mon cher Lambert, lui dit-il, j’ai à la fois une confidence à vous faire et un service à vous demander.
— Parlez, répondit Lambert.
— Eh bien ! je fais cette nuit même mes adieux à une femme que j’aime beaucoup. Son mari, que je ne connais pas, a été absent jusqu’à présent ; mais une lettre qu’elle a reçue lui annonce son retour d’un moment à l’autre. Après avoir voulu renoncer à cette entrevue, j’ai fini par céder. Je serai très prudent ; mais nous courons risque d’être surpris. Je désirerais, afin qu’un malheur n’arrivât point à la pauvre femme, pouvoir compter sur votre aide. Vous vous tiendriez à portée de la voix aux abords de la maison. Si rien de fâcheux ne survient, comme je me propose de ne rester que quelques minutes à ce dernier rendez-vous, je vous rejoindrais sur la route, et nous rentrerions ensemble à bord.
Il lui donna ensuite les indications nécessaires pour reconnaître la maison. Lambert ne répondit à son camarade qu’en lui serrant la main et en lui disant : Soyez tranquille, j’y serai.
Jacques Lambert était un peu plus âgé que Gerbaud. Il pensa que son ami en était sans doute à sa première affaire d’amour, et qu’il