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Un incident non moins étrange est survenu au sein de l’église protestante de Paris, et celui-ci est arrivé jusqu’à l’éclat. Nous voulons parler de la continuation de la suffragance refusée à M. Coquerel fils par le conseil presbytéral de Paris. Le protestantisme condamnant le libre examen, voilà ce qui a excité l’étonnement des libéraux dans la décision du conseil presbytéral ; un pasteur prêchant des doctrines contraires aux croyances de la majorité présumée du troupeau, telle a été l’anomalie à laquelle le conseil a voulu mettre fin. Nous voudrions juger ce différend avec impartialité. Or, si l’on veut être impartial, on est forcé de reconnaître que les récriminations échangées entre les deux partis qui divisent en France l’église protestante, le parti orthodoxe et le parti libéral, ne sont que la conséquence de la position faite à cette église par ses rapports avec l’état. La position que l’état fait aux églises en France nous paraît fausse pour le catholicisme lui-même ; elle est bien plus fausse encore pour le protestantisme. L’exercice n’est permis chez nous qu’aux cultes reconnus par l’état ; ces cultes sont salariés par l’état, et leur administration intérieure fonctionne d’après des règles convenues avec l’état et sanctionnées par lui. Que le concordat et les articles organiques qui en sont l’interprétation politique établie par l’état gênent en plus d’un point très grave les libertés de l’église catholique, les protestations réitérées des évêques et des écrivains catholiques sont là pour nous l’apprendre ; mais les contradictions qui existent au sein du protestantisme organisé en église officielle sont plus choquantes encore. Au sein du catholicisme, les dissidences dogmatiques ne sont point possibles ; prêtre ou laïque, le catholique qui conteste le dogme sort par cela même de l’église et cesse d’en faire partie. Le catholicisme est fondé sur l’autorité et l’unité. Le protestantisme au contraire est fondé sur la liberté d’examen, et aboutit par conséquent à la diversité des interprétations dogmatiques. De là cette tendance du protestantisme, qui en est la vie même, à se diviser, suivant les convictions diverses qui naissent du libre examen, en églises, en congrégations, en sectes différentes. Or l’organisation politique que le protestantisme a reçue en France est pour cette forme du développement des idées chrétiennes un véritable lit de Procuste. Elle produit cette double et contradictoire conséquence, ou de faire de l’église constituée une sorte de corporation sceptique admettant sous une apparence d’unité artificielle les croyances les plus variées et les plus contraires, ou bien d’exclure des libertés et des avantages d’un culte publiquement reconnu des groupes importans de personnes qui, tout en voulant rester protestantes, chrétiennes, unies par un lien religieux, seraient en dissentiment avec l’église constituée touchant le corps des doctrines adoptées et professées par elle. Nous trouvons un exemple frappant de cette contradiction dans le différend qui est survenu entre le corps presbytéral de Paris et M. Coquerel et ses nombreux adhérens.

Observé philosophiquement, le protestantisme admet les variations les