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à ces poupées qui portent en guise d’écriteau : « Je dis papa et maman, et je coûte cinq cents francs. » Tout le monde les regarde et personne ne les achète. M. de Ryons, par manière de plaisanterie, lui ayant proposé de l’épouser, elle l’a pris au mot avec d’autant plus d’empressement que son insolence lui en impose autant qu’elle en impose à Mme de Simerose. Aussi, lorsqu’on ne le voit pas venir, elle s’étonne, et, avec une liberté et une hardiesse vraiment charmantes, elle lui demande pourquoi il n’a pas encore tenu sa parole. M. de Ryons rejette l’offre qu’elle lui fait de sa personne et de sa fortune, et lui avoue que sa promesse était une simple plaisanterie. Décidément ce prétendu philosophe n’est qu’un triste mystificateur. Passe encore pour Mme de Simerose : son insolence avait une manière d’excuse, puisqu’elle avait pour but de sauver la vertu d’une femme dont il s’était constitué le protecteur de l’autorité de son titre d’ami des femmes ; mais à quel propos inflige-t-il cet outrage à cette franche et charmante fille ? Son impertinence est aussi gratuite qu’incompréhensible. Il prétend qu’il ne peut pas épouser Mlle Hackendorf ; le spectateur se demande pourquoi il ne peut pas l’épouser, et, comme il ne trouve aucune raison, il conclut que l’ami des femmes ne l’épouse pas parce qu’une fois marié il lui faudrait renoncer à ses tirades contre le mariage, qui font le plus bel ornement de son insupportable, bien mieux encore, de son odieuse personne.

À toutes nos critiques, M. Dumas et ses amis peuvent, il est vrai, opposer une objection triomphante qui leur permet de transformer tous les défauts que nous avons signalés en autant de qualités. De quoi s’agit-il en effet dans cette pièce ? De prouver que les femmes usent et abusent du droit que la nature leur a donné de n’avoir pas le sens commun. Vous vous plaignez, nous dira-t-on, que la pièce soit obscure et décousue ; mais elle n’est pas plus décousue que la logique des femmes et pas plus obscure que les mobiles qui les mènent ; Vous vous plaignez par exemple de ne pas comprendre les motifs de la séparation de Mme de Simerose ; il ne faut pas que vous compreniez, car la déraison ne doit pas pouvoir s’expliquer. Les épisodes dont vous dites ne pas apercevoir clairement le lien avec le sujet sont cependant le sujet même, car ils sont autant d’illustrations de la folie propre aux femmes et des idées baroques qui leur traversent le cerveau. L’objection serait bonne, si les personnages masculins de la pièce étaient plus sensés, que les personnages féminins ; mais en vérité ils se valent, et les deux sexes n’ont rien à s’envier. M. de Simerose n’a guère été moins absurde que sa femme, et je doute qu’on puisse facilement dépasser M. de Montègre en sottise. La démarche de Mlle Hackendorf est hardie sans doute, mais elle est plutôt faite pour honorer le sexe féminin que pour