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serait favorable[1]. Quelques-uns des plus hardis et des plus braves se joignirent à ce Lambro dont les aventureux exploits ont frappé l’imagination de Byron. C’est à Lambro, tel que le lui représentaient les récits qu’il aimait à écouter pendant son voyage en Orient, que Byron a emprunté quelques-uns des traits dont il peint son Corsaire, et il l’a mis lui-même en scène dans les deux plus beaux chants de son Don Juan, dans l’épisode d’Haydée. D’autres Crétois préférèrent chercher un asile dans le pays même d’où était parti le signal de l’insurrection. Établis à Odessa, dans cette, cité nouvelle dont la Russie doit à un Français, le duc de Richelieu,. l’essor brillant et la prospérité rapide, ils s’enrichirent par le commerce, et quand l’hétairie vint à s’organiser, ils entrèrent avec ardeur dans le mouvement. Grâce.aux relations qu’ils avaient conservées avec leurs compatriotes, ils les avertirent de se tenir prêts, et préparèrent le soulèvement dont Sfakia donna le signal en juillet 1821. Parmi les plus opulens de ces Crétois établis en Russie, parmi ceux qui se dévouèrent le plus passionnément et de leur bourse et de leur personne à la délivrance de leur pays, se trouvait la famille Kalergi, qui, au XIIIe siècle, était déjà la première de l’île. En 1299, un Kalergi, après avoir balancé pendant dix-huit ans la fortune de Venise, traitait d’égal à égal avec la république, et recevait pour lui et ses descendans le titre et les privilèges de noble vénitien.


II

On ne peut entreprendre de retracer ici les événemens militaires dont la Crète a été le théâtre pendant ces luttes de l’indépendance, qui ont duré environ neuf ans : ils sont racontés dans toutes les histoires générales de cette guerre, et d’ailleurs n’y aurait-il pas quelque monotonie dans le récit assez peu varié de ces combats où le courage déployé de part et d’autre éloigne tout résultat décisif, de ces entreprises hardies qui finissent toujours par échouer faute d’unité dans le commandement, faute aussi d’approvisionnemens réguliers et d’artillerie de siège ? En Crète comme dans la Grèce continentale, ce furent les mêmes alternatives de succès et de revers, des débuts brillans qui ne tenaient pas leurs promesses, des coups de main heureux que rendaient stériles l’insuffisance des

  1. Ces détails sur un personnage dont le nom n’est mentionné dans aucune histoire publiée en Occident m’ont été donnés, dans le pays même, par la tradition populaire et les chants qui la conservent, puis confirmés à Athènes par un des Crétois qui connaissaient le mieux l’histoire moderne de leur lie, M. Antoniadis, un courageux combattant de la guerre de l’indépendance et le rédacteur, pendant de longues années, de l’un des journaux les plus estimés qui se soient publiés à Athènes, l’Athina.