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de leur poids de produits très fluides destinés à être injectés dans le bois, qu’ils garantissent contre la pourriture et les attaques des insectes ou des végétations cryptogamiques, d’après la méthode de Bréant, réalisée en grand par Bethel. Ces produits, désignés sous la dénomination inexacte de créosote, furent dès lors et sont aujourd’hui même appliqués avec un succès incontesté à la préparation des traverses en bois de hêtre et de sapin, dont ils triplent la durée, et qui servent à soutenir les rails des chemins de fer. Peu de temps après, on parvint en France à séparer des mêmes produits de la distillation les parties les plus volatiles, qui, successivement épurées par l’acide sulfurique, les solutions alcalines et l’eau, puis deux fois rectifiées à l’alambic, donnèrent les hydrocarbures très liquides, blancs, diaphanes, volatils à l’air sans résidu, généralement connus sous le nom peu justifié de benzine et appliqués avec succès soit à rendre plus siccatives les peintures à l’huile, soit à donner plus de clarté au gaz ou à dégraisser les étoffes.

Quant au résidu goudronneux de la distillation, bien que l’emploi en fût graduellement développé dans la confection des mastics bitumineux, on n’en consommait encore qu’une quantité insuffisante. Il n’en est plus de même depuis l’extension rapide d’une industrie spéciale fondée par M. Marsais, mais qui, perfectionnée à l’aide du lavage mécanique des houilles menues, suivant les systèmes de MM. Bérard et Evrard, et des machines à mouler de MM. Middleton et Mazeline, modifiées en dernier lieu par M. Dehaynin, a pris sous l’impulsion énergique de cet habile manufacturier de telles proportions que les résidus goudronneux recueillis en France sont devenus insuffisans, et qu’on en importe maintenant d’Angleterre et de Belgique.

Voici dans quelles conditions fonctionne, sous la même direction en Belgique et en France, l’industrie remarquable qui a produit une si heureuse transformation. On obtient, par voie de distillation et de rectification, de chaque tonne (pesant 1,000 kilogr.) de goudron de houille, d’abord 30 kilogr. d’huiles légères qui, à l’aide de plusieurs réactions chimiques, nous donnent les couleurs magnifiques appliquées aux teintures sur soie en violet, en rouge et en bleu, les plus brillantes que l’on connaisse aujourd’hui[1]. Un deuxième produit, pesant 160 kilogr., qui passe à la distillation, ce sont des huiles lourdes qu’on laisse déposer ; la plus grande partie qui surnage est décantée ; elle sert à imprégner les traverses de

  1. Ces couleurs à la vérité sont moins durables, surtout exposées simultanément à la lumière vive et à l’air humide, que celles que l’on obtient avec les anciennes matières tinctoriales.