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les cornues. Le succès fut douteux ; des difficultés presque insurmontables firent abandonner cette application dans plusieurs usines, et en attendant que des procédés nouveaux permissent d’en tirer parti, le goudron le plus épais fut enfoui dans des terrains isolés où l’humidité l’empêchait de s’infiltrer. Plus tard, des débouchés nouveaux avaient été ouverts au goudron, et l’on ne songeait plus à ces anciens dépôts, lorsqu’une circonstance bizarre vint en rappeler le souvenir. On était alors lancé dans un mouvement de spéculations effrénées où toutes sortes d’entreprises industrielles servaient de prétexte à des sociétés par actions. Un jour parut une annonce signalant la découverte d’un nouveau gisement de bitume, dont l’exploitation devait être d’autant plus profitable que la mine se trouvait située aux environs de Paris. Les affleuremens avaient été reconnus dans le département de la Seine. Ceux-ci, on le devine, n’étaient autre chose que les bords d’une grande fosse remplie depuis dix ans de goudron de gaz, et toutes les espérances fondées sur une concession de cette mine imaginaire s’évanouirent aussitôt.

La situation est aujourd’hui bien changée. Plusieurs grandes et sérieuses industries récemment créées utilisent toutes les quantités de goudron qui sortent des usines d’éclairage en Angleterre, en France, en Belgique, et leurs produits viennent en aide à d’autres fabrications. Quelques résultats montreront l’importance de ces créations nouvelles.

On employa dans l’origine une assez grande quantité de ces goudrons pour préparer les huiles distillées applicables soit à l’éclairage des ateliers, soit à des peintures grossières dans les campagnes ; les résidus épais, dits brais gras, servirent à imprégner des briques et autres matériaux de construction, à fabriquer par le mélange avec la craie sèche des mastics fusibles à chaud, propres à garantir des infiltrations de l’eau, les constructions sous le sol et à assainir les rez-de-chaussée humides. On en fit des enduits imperméables ; malheureusement ils résistaient moins aux changemens de température que les mastics bitumineux de Seyssel et de Lobsann. L’excès des résidus goudronneux encombrait toujours les usines, et l’on s’en débarrassait sans profit, comme on l’a vu plus haut. Cependant, depuis plus de quinze ans, on avait réussi à tirer un meilleur parti des goudrons des usines en les soumettant à une distillation partielle dans de grands alambics en tôle[1] : on en tirait le quart

  1. L’industrie, qui transforme les poussiers de charbon de bois en charbon moulé sous forme cylindrique et aggloméré par l’interposition du goudron qui se carbonise, cette industrie, fondée par M. Popelin-Ducarre, emploie une certaine quantité de goudron de houille.