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de ruisseaux fangeux, lorsqu’il vit déboucher à l’angle d’une de ces ruelles étroites qui descendent vers la rivière, lancé après une poule effarouchée, le chien même dont il était en peine, Robin en personne, plus triomphant et plus folâtre que jamais, puis, avant qu’il fût remis de sa surprise, Eleanor. Elle donnait le bras au capitaine Hertford et lui parlait avec une certaine animation… Eleanor, son Eleanor, fiancée à lui par le plus solennel des sermens, auprès de cet homme qui s’était promis de le tuer !… Eleanor partageant avec ce coupe-jarret, cet assassin, un secret honteux sans doute, dont il n’avait pu obtenir la confidence !… Ah ! désormais plus de doutes, plus d’hésitations, plus de scrupules !… Ils étaient, cet homme ou lui, de trop en ce monde… Ainsi du moins pensait-il, et pour penser autrement il avait besoin d’une leçon sévère.

Inutile au surplus, de les suivre. Il savait où retrouver Hertford le soir même. Revenu chez lui tout à loisir, il y reçut bientôt la visite de lord Charles, dans le sein duquel il épancha ses colères, et qui se porta vainement garant envers lui de l’inaltérable loyauté d’Eleanor. La journée fut longue ; elle passa cependant. Vers cinq heures et demie, par un accord tacite, ils se rendirent ensemble à Westminster, lord Charles pour prendre son siège aux communes, Austin pour se frayer à grand’peine l’accès des galeries publiques. La suite des événemens était livrée au hasard ; voici comment le hasard en disposa.

Le capitaine Hertford et lord Charles cherchaient avidement, nous le savons, l’occasion d’un choc quelconque ; mais ce dernier vers dix heures, se rappelant que son père devait quitter la chambre des lords pour se rendre à je ne sais quelle fête, voulut tenter de le revoir encore. Il jeta cependant les yeux du côté d’Austin, qu’il aperçut solidement encadré dans la vivante muraille des spectateurs de la galerie ; le capitaine Hertford, plus sombre que de coutume, siégeait à son banc, du côté opposé : on pouvait donc, sans aucun risque, disposer de cinq ou six minutes. Austin vit son ami se lever et sortir ; il vit le capitaine Hertford se lever à son tour et le suivre sans perdre un instant. Aussitôt, se faisant jour à coups de coude, il se précipita lui-même hors de la galerie. Une fois descendu, et quand lèvent froid de la nuit, passant sur ses tempes fiévreuses, lui eut rendu la perception nette de ce qui se passait, il se trouva parmi les groupes inquiets et remuans que l’importance des débats avait appelés autour de la chambre, et qui spéculaient en sourdine sur le résultat probable du vote. Un policeman auquel il s’adressa pour savoir si le capitaine Hertford s’était montré de ce côté porta poliment la main à son chapeau, et lui désigna du doigt l’entrée de la chambre des lords. C’était, dans le temps dont nous parlons, un misérable couloir bordé à droite par une palissade en planches, à