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deux mois. « Et que serions-nous devenus, remarque vivement M. Stieglitz, si nous avions suivi l’échelle progressive jusqu’au 1er janvier 1864, au lieu d’en rapprocher le terme au 1er septembre, comme nous en avions le droit, je le répète ? On nous aurait enlevé tout notre encaisse métallique ! De mois en mois, cette échelle ne faisait qu’exciter la spéculation. Le seul moyen d’arriver était de devancer l’échelle… Il n’y avait aucune position obscure, puisque nous avions atteint le pair, et pendant comme après l’échelle il n’y avait personne qui fût mieux instruit ou plus avisé que le public Chacun pouvait se présenter au guichet de la banque, et la faculté d’y puiser était égale pour tous. »

Nous avons voulu laisser parler M. Stieglitz lui-même. Il se rejette sur les embarras financiers de l’Europe entière ; mais, si ces embarras pouvaient servir d’excuse à un échec trop prévu, comment y puiser un motif pour accélérer la reprise du paiement au pair ? N’était-ce point, en essayant ainsi de faire bonne mine à mauvais jeu, risquer d’induire en erreur les gens moins initiés dans les arcanes de la finance ? Nous n’avions fait à cet égard que reproduire les critiques dont cette mesure a été l’objet en Russie : il ne nous semble point que la lettre de M. Stieglitz soit de nature à les écarter..

Le gouverneur de la banque de Pétersbourg craint encore pour son pays des allures trop fiévreuses. « Ne détruisons pas, dit-il, notre ancienne demeure avant d’avoir construit la nouvelle. » Nous ignorons ce qui suscite. ses alarmes et quelles sont les innovations qui les justifient : jusqu’à présent au contraire, en finances comme en politique, on ne paraît que trop fidèlement s’attacher aux erremens du passé. La Russie demeure toujours voisine d’un état d’enfance dont le tableau fidèle aurait sans doute été taxé d’exagération, s’il s’était présenté sous notre plume. Nous en avons rencontré les traits curieux dans une réponse à notre travail publiée par le Journal de Saint-Pétersbourg du 13 février, et annoncée immédiatement à l’Europe entière par une dépêche télégraphique ! Notre, surprise a été grande en lisant cet écrit, signé par un banquier d’Odessa. Franchement, on aurait pu s’épargner les frais du télégramme. Une citation presque intégrale permettra d’apprécier la valeur de ces observations, sur l’effet desquelles on paraît avoir beaucoup compté en Russie ; nous sommes sans doute mauvais juge, car l’écrit de M. de Thoerner nous semble beaucoup plus digne d’attention.

« M. Wolowski, dit le publiciste de la feuille russe, prétend que la circulation du papier-monnaie s’élevant en Russie à 635 millions de roubles (environ 2 milliards et demi en francs) est fort exagérée. À son avis, il en résulte pour la Russie de grands périls financiers. En Angleterre, dit-il, il n’y a que 1 milliard de papier-monnaie, en France 900 millions de francs. En approfondissant les besoins et les lois de la circulation en Russie ainsi que la marche des transactions commerciales du pays, on arrive à des conclusions d’une tout autre nature. Il ne faut pas perdre de vue en premier lieu que ces 635 millions de roubles de papier-monnaie circulent dans un empire dont l’étendue est immense, qu’ils sont distribués parmi une population de 70 millions d’hommes auxquels la plupart des inventions modernes