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REVUE. — CHRONIQUE.

puis cinquante ans venaient de l’Italie. Mme Boschetti peut être classée parmi les danseuses réalistes qui rappellent un type de l’ancienne comédie dell’arte dont l’origine remonte aux atellanes, que les Romains avaient empruntées aux Étrusques. On voit par ces rapprochemens que la Zanzara de Milan vient de loin.

Le Théâtre-Italien a montré depuis quelque temps une activité dont il faut tenir compte à l’administration de M. Bagier, qui a compris qu’il faut bien des efforts pour relever une institution sur son déclin. Nous l’avons dit souvent : ce n’est pas le public qui manque à Paris gour faire réussir une entreprise d’art qui lui offre un plaisir certain. Voyez les concerts populaires de musique classique où se rendent, tous les dimanches, trois mille auditeurs, puisés dans toutes les classes de la société, pour entendre les chefs-d’œuvre de la musique instrumentale ! N’est-ce pas là un signe éclatant des progrès immenses qu’a faits eh France cet art éminemment civilisateur ? Les sociétés consacrées à l’exécution de la musique instrumentale dans toutes ses formes sont très nombreuses à Paris, et toutes ont un public affidé qui chaque jour devient plus nombreux. Le Théâtre-Italien, auquel il faut revenir, a pu se convaincre aussi que l’exécution soignée d’un ouvrage connu obtient un succès fructueux et durable, parce qu’on ne se fatigue pas d’entendre un délicieux chef-d’œuvre comme Don Pasquale, où Mlle Patti est ravissante de naturel, de brio et d’espièglerie piquante.

Ce rôle de Norina a été écrit pour la Grisi, puissante et admirable cantatrice, auprès de laquelle Mlle Patti n’est qu’une enfant mutine. M. Mario, qui paraissait aussi dans ce rôle d’Ernesto qu’il a chanté jadis avec un charme que les femmes n’ont pas oublié, a retrouvé dans le duo et dans la délicieuse sérénade du troisième acte quelques accens émus que le public a salués comme un souvenir d’une époque incomparable dans l’histoire du Théâtre-Italien. C’est pour Lablache, Tamburini, Mario et même Grisi que Donizetti a composé Don Pasquale en 1843. Le rôle si difficile du vieil amoureux est rempli avec talent par M. Scalese, et M. Delle-Sedie est dans le personnage du docteur ce qu’il est partout, un chanteur de goût et un comédien intelligent. On a repris aussi tout récemment la Semiramide de Rossini pour les deux sœurs Marchisio, que nous avons vues sur la scène de l’Opéra il y a deux années. Depuis lors, elles ont beaucoup voyagé et chanté sur plusieurs théâtres de l’Italie. Elles viennent aujourd’hui directement d’Espagne, où, elles ont été fort appréciées, ce qui n’a rien d’étonnant, puisque Mme de Lagrange y fait merveille avec une voix acérée et de faux transports. La nature a fait de ces deux filles de l’Italie, — elles sont nées à Turin, — un soprano et un contralto d’une inégale beauté, mais dont elles ont appris à fondre les timbres dans un harmonieux accord. C’est Barbara, le contralto, qui est montée la première sur la scène et débuta sur le théâtre de Madrid. Carlotta, le soprano, qui s’était vouée d’abord à l’étude du piano sous la direction de son frère, suivit bientôt l’exemple de Barbara, et toutes deux parurent ensemble au théâtre San-Benedetto à Ve-