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plus élevée, une considération d’un ordre moral qui peut faire souhaiter la députation à des ouvriers. La députation est à la fois un moyen de servir le pays et un honneur public. Une émulation généreuse peut bien inspirer à un ouvrier le désir de remplir ce devoir et de mériter cet honneur. Et qui oserait dire que ceux qui travaillent de leurs mains ne se sentiraient point moralement élevés en se voyant ainsi représentés par un homme de leur profession, en ayant sous les yeux ce saisissant exemple, d’égalité politique ? La société n’aurait, croyons-nous, rien à perdre au succès de pareilles candidatures, qui ne feraient au contraire que resserrer les liens de la solidarité sociale. Ainsi comprises, et nous croyons que nous en avons donné la seule interprétation légitime, la question des candidatures, ouvrières ne peut pas soulever d’objections. Les candidatures demandées par les ouvriers se réduisent, comme les autres, a une affaire de convenance temporaire ou locale ; elles sont soumises aux combinaisons, que comporte le système électoral ; elles dépendent des chances pratiques de succès, et doivent enfin se subordonner à l’intérêt politique et patriotique supérieur du moment. Si des candidatures ouvrières ne devaient obtenir qu’une impuissante minorité, si elles devaient affaiblir en le divisant le parti libéral et démocratique, les ouvriers, en y persistant, n’agiraient point patriotiquement, se donneraient devant l’opinion les torts d’une classe égoïste et exclusive, et travailleraient en réalité contre eux-mêmes ; mais nous ne croyons pas nous tromper en disant que l’intelligence et le patriotisme des ouvriers de Paris, de ces ouvriers d’élite qui sont de délicats artistes dans les jours de paix et d’héroïques soldats quand un péril national les appelle, les mettent à l’abri d’une si fâcheuse méprise.

Nous sommes en retard pour annoncer la publication du livre remarquable de M. Dupont-White : La liberté politique considérée dans ses rapports avec l’administration. Le titre de cet ouvrage, dont les diverses parties sont connues des lecteurs de la Revue dit clairement que M. Dupont-White s’est attaqué résolument au problème politique le plus délicat et le plus difficile de l’organisation de la France. M. Dupont-White est un des rares esprits que préoccupent parmi nous la vertu théorique et le progrès pratique des institutions. Partisan de la centralisation française, il est en même temps un des amis les plus décidés et les plus éclairés de la liberté. Il a en outre cet avantage sur ceux qui n’opposent trop souvent que des déclamations à notre système centralisateur, qu’il connaît à fond le mécanisme des pays organisés d’après le régime municipal, et surtout les institutions anglaises. Quant à nous, nous sommes de ceux qui croient qu’en matière de centralisation ou de décentralisation la franche liberté rectifie les abus et donne l’essentiel. Les gouvernemens libres qui vivent par la parole et par l’opinion possèdent la meilleure des centralisations, la centralisation morale, celle qui corrige les excès d’un mécanisme bureaucratique trop rigide, ou qui supplée aux défauts d’un lien administratif trop relâché. e. forcade.