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temps et de forces ; acquérir ce fonds dans l’atelier même, c’est atteindre l’objet non-seulement sans dépense, mais avec un bénéfice de l’emploi des forces et du temps ; c’est aussi supprimer, pour l’état ou les communes, le coût et l’embarras des apprentissages préparatoires. Reste à savoir ce que valent les hommes dans les deux cas. Or pour l’habileté manuelle, la vigueur de l’intelligence, l’empreinte du sens moral, aucun peuple ne serait fondé à dédaigner l’équivalent de ce qui se rencontre chez les ouvriers et les contre-maîtres du royaume-uni.

Récapitulation faite, l’exemple des pays étrangers n’est pas de nature à nous pousser vers les imitations. Dans les institutions supérieures, ils ont suivi nos modèles sans les égaler, presque sans les modifier ; nos ingénieurs n’ont rien à redouter d’un rapprochement, et la preuve, c’est qu’on nous les emprunte pour les travaux de quelque importance. Parmi les écoles qui préparent à l’exercice des professions, Châlons, Angers et Aix demeurent sans émules, on pourrait dire sans analogues ; elles sont le fruit d’idées généreuses qui ne germent guère que sur notre sol. L’Allemagne n’a dans ses écoles réelles qu’une ébauche imparfaite ; l’Angleterre maintient comme règle que chaque mode d’industrie trouve en lui-même de quoi se suffire, que, disposant de ses actes dans les limites légales, il doit par conséquent en répondre. Où trouver en tout cela les élémens d’un système qui nous soit approprié ? Celui de l’Angleterre est incompatible, dit-on, avec notre tempérament national ; ailleurs il n’en est aucun auquel on puisse se rattacher : le premier nous est interdit, les autres sont défectueux ; glaner çà et là ce qu’ils ont de bon serait se condamner à une tâche laborieuse pour aboutir à une œuvre bâtarde. Que faire dès lors, et comment conclure ? Ce serait beaucoup gagner ici que d’obtenir de l’état que d’agent principal il se résignât à n’être qu’un auxiliaire. N’importe où, chez l’individu, dans les sociétés libres, dans les chambres de commerce, dans la commune ou les réunions de communes, il se produirait un effort, utile, méritoire, accompagné de sacrifices, l’état y ajouterait ses encouragemens. Il y aurait des subventions, des primes pour les maisons d’enseignement professionnel à un certain degré d’épreuve et sous des garanties déterminées. De ses attributs, l’administration : ne garderait qu’un droit de contrôle en retour de subsides conditionnels. Pratiquée sincèrement, cette conduite introduirait dans nos habitudes un pli nouveau. Peut-être la responsabilité partagée ferait-elle mieux sentir le prix et répandrait-elle le goût de la responsabilité directe, qui seule a une pleine vertu. L’occasion serait bonne de donner cette assiette à l’éducation du pays.

Une réflexion se présente à l’issue de l’examen qui vient d’être fait. Les plans proposés, officiels où non, peuvent se résumer en un