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REVUE DES DEUX MONDES.

L’héroïne de ce poème est Mireille, fille de maître Ramon, riche fermier.

« Mireille était dans ses quinze ans… Le gai soleil l’avait fait éclore pure et ingénue ; son visage avait deux fossettes ; son regard était une rosée qui dissipe toute douleur… Le rayon des étoiles est moins doux et moins pur. — Folâtre, sémillante et un peu sauvage, elle séduisait tous ceux qui l’approchaient… »

Le riche Ramon, père de Mireille, reçoit un soir dans sa maison les laboureurs et les ouvriers qui travaillaient dans sa ferme. C’était un homme fier, rude, dont on craignait les emportemens. « Maître Ambroise, dit-il d’un ton superbe, allons, laissez là les corbeilles ; ne voyez-vous pas naître les étoiles ? Mireille, apporte une écuelle ! Allons, à table, car vous devez être las. — Allons, dit le vannier. » Et tous s’avancent vers un coin de la table de pierre. Mireille, leste et accorte, assaisonna avec l’huile des oliviers un plat de féveroles qu’elle vint apporter elle-même. » Au milieu de ce repas champêtre : « Eh bien ! maître Ambroise, dirent quelques laboureurs, ne nous chanterez-vous rien ce soir ? » Comme il ne répondait pas à la question qu’on lui faisait : « De grâce, maître Ambroise, dit Mireille, chantez un peu, cela récrée. — Belle fillette, répondit Ambroise, ma voix est un épi égrené ; mais pour te plaire elle est déjà prête. » Aussitôt il commença cette chanson. Ambroise avait été marin, et la chanson qu’on lui demande, c’est le récit d’un combat naval où il était présent sous le commandement du bailli de Suffren. Après avoir terminé sa description, qui est une des pages les plus belles du poème, les laboureurs se lèvent de table pour aller abreuver leurs bêtes. Mireille reste seule avec Vincent, le fils de maître Ambroise. Ils causaient entre eux, lorsque la jeune fille lui dit : « Ah çà ! Vincent, quand tu as sur le dos ta bourrée et que tu erres çà et là, raccommodant les paniers, tu dois voir dans tes courses des châteaux antiques, des lieux sauvages, des fêtes, des pardons… Nous, nous ne sortons jamais de notre colombier. » À cette question, d’une simplicité adorable, Vincent répond par un long récit où il raconte sa vie et le genre de ses travaux. « Dès que l’été vient, sitôt que les arbres d’olives se sont couverts de fleurs,… nous allons chercher la cantharide… « Après avoir demandé à Mireille si elle a jamais été aux Saintes, Vincent décrit une fête populaire, les Saintes-Maries de la mer, qui se donnait le 23 mai de chaque année. Le récit terminé, la jeune fille dit à sa mère : « Il m’est avis, ma mère, que, pour un enfant d’un vannier, il parle merveilleusement… Écoutons, écoutons encore… Je passerais à l’entendre mes veillées et ma vie ! »

Ainsi se noua cet amour si chaste de la riche Mireille avec le fils du pauvre Ambroise. Dans le deuxième chant se trouve la description de la cueillette des mûriers, qui est aussi une fête joyeuse de la Provence. « Mireille est à la feuillée ; elle avait mis ce jour-là pour pendeloques deux cerises. » Vincent ne tarde pas à apparaître avec son vêtement pittoresque : « Oh ! Vincent, lui crie Mireille du milieu des allées vertes, pourquoi passes-tu si