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continent qui pourraient venir déranger ce colossal atelier de richesse et introduire de ruineuses soustractions dans les voies et moyens de M. Gladstone. Cet éloquent ministre ne sert pas seulement son pays par son esprit de vigilante économie et par ses hardies et libérales conceptions ; il rend aussi service à la science financière par la lucide, chaude et séduisante forme de ses exposés. Il nous montre par son exemple qu’il est possible de traiter les questions financières autrement que d’une façon ennuyeuse. C’est ce que l’orw ne veut point encore comprendre dans nos corps politiques. Que l’on compare les discours de M. Gladstone aux insipides et inutiles rapports de nos commissions de finance. Ces rapports, nous en convenons, ont rarement à nous apprendre quelque chose d’agréable ; chez nous, les dépenses ne diminuent pas : au contraire la dette publique augmente, les accroissemens du revenu, au lieu de fournir des ressources à la réduction des impôts, ne suffisent point à remplir les insatiables découverts ; mais si toutes ces choses-là nous étaient dites d’une façon claire et animée, avec l’intelligence et le sentiment qui remontent vivement des effets aux causes, le pays apprendrait dans les discussions du budget sa situation, ses besoins, ses droits, et sa volonté réagirait vite sur la politique dont un budget est la conséquence et l’expression. En quelques heures employées à la chambre des communes et avec quelques colonnes remplies dans le Times, un chancelier de l’Échiquier apprend cela à l’Angleterre ; chez nous, une commission consacre trois mois à préparer sur la loi de finances présentée en un volume, que les initiés seuls savent déchiffrer, un rapport non moins indéchiffrable pour le public, et que le public n’a jamais lu.

Que dirons-nous de la réception faite par le peuple anglais à Garibaldi ? Elle ne nous a point surpris. Cet enthousiasme s’adresse non certes à toutes les idées de Garibaldi, mais aux qualités que tout le monde aime et admire dans son caractère, et à la vie d’aventures extraordinaire que lui a faite son héroïque fanatisme. Comme symptôme moral, cet empressement auprès d’un soldat qui n’a voulu être que l’homme d’une seule idée, ces foules qui l’accompagnent, ces corporations municipales qui le félicitent, ces palais qui l’abritent, ces sélect parties aristocratiques qui se réunissent pour le recevoir, ces luncheons que les duchesses lui préparent dans leurs villas, cette fête bruyante, bigarrée, mais cordiale, donnée ainsi par un peuple entier à un homme du peuple sincère, vaillant et dévoué, compose un spectacle qui laissera une page honorable dans l’histoire illustrée de ce temps-ci. Nous croyons que Garibaldi, à travers son enthousiasme, a du bon sens ; son bon sens l’avertira, nous l’espérons, que les hommes d’état anglais sont plus de la famille de Cavour que de la sienne, et que, s’il veut faire durer auprès d’eux son succès, il doit se garder des excentricités révolutionnaires.

M. Duvergier de Hauranne vient de publier le sixième volume de son histoire parlementaire de la France. À mesure que ce grand ouvrage se