Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’Ecosse, qui n’a que 3 millions d’habitans pendant que nous en avons plus de 36, et au quart de celui de l’Angleterre proprement dite, qui n’en a que 20. Il y a donc en France une somme considérable de capitaux qui ne sont pas exploités, qui, comme les mines d’or de la Californie, ont besoin d’être mis au jour pour avoir toute leur valeur ; il s’agit de leur donner cette valeur.

En Angleterre, en Amérique, les banques se préoccupent peu de la faculté d’émettre des billets au porteur, qui nous agite si fort en France ; elles se contentent de recevoir des dépôts qu’elles bonifient à un intérêt moindre que celui qu’elles retirent en les faisant valoir. Il y a là pour elles la marge d’un bénéfice considérable, qui fait que la moyenne du dividende distribué depuis quelques années aux actionnaires des joint stock banks, qui sont particulièrement des banques de dépôt, a été de 12 à 15 pour 100. Une seule de ces banques à Londres, the London and Westminster, la plus importante il est vrai, a maintenant en dépôt une somme qui dépasse 350 millions, c’est-à-dire presque égale à tous les dépôts qui existent à Paris. Il faut faire de même en France, et au lieu de nous attacher à cette chimère de la multiplication du capital par la liberté des banques d’émission, il faut chercher à utiliser, à rendre disponible celui qui existe réellement. Supposons qu’au lieu d’avoir de 7 à 800 millions de dépôts nous en ayons de 3 à 4 milliards, ce qui certainement n’excède pas les ressources réelles de notre pays, l’accumulation successive de nos épargnes, l’effet qui pourrait en résulter serait immense pour la réduction du taux de l’intérêt et pour la diminution de notre stock métallique. Nous sommes très frappés en France depuis quelques années de l’augmentation rapide de la richesse publique. Cette augmentation est rapide en effet, elle est due surtout aux chemins de fer et aux applications scientifiques de toute nature ; mais elle n’est pas encore, il s’en faut, ce qu’elle pourrait être avec un meilleur système de crédit, avec l’emploi immédiat de nos épargnes. En Angleterre, en Amérique, la richesse s’accroît avec la puissance de l’intérêt composé, tandis qu’en France c’est à peine si elle s’accroît avec la puissance de l’intérêt simple.

Certes nous ne voulons pas dire que cette théorie de l’extension du crédit au moyen des dépôts soit sans inconvéniens et même sans périls. Il ne faut pas oublier que la banque qui reçoit le dépôt pour s’en servir et le faire valoir laisse en même temps au déposant la faculté d’en disposer par le moyen des chèques, ce qui fait que le capital peut être employé deux fois, par la banque et par le déposant. En temps normal, les choses ne présentent pas d’inconvénient : le dépôt employé par les banques ne l’est jamais que momentanément par l’escompte d’effets commerciaux à deux ou trois