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franchi définitivement le chiffre de 800, depuis 1863 notamment, la moyenne de l’encaisse métallique a été au-dessous de 300 millions. Elle était, au bilan de novembre 1863, de 205 contre 805 millions de billets. Supposons donc que, par l’émission des billets de 50 francs en temps opportun, cette monnaie fiduciaire soit aujourd’hui de 900 millions, avec un encaisse de 200 millions ; croit-on que la situation serait meilleure ? Elle serait infiniment moins bonne : la Banque de France aurait 100 millions de plus d’engagemens exigibles à tout moment, sans avoir un sou de plus en caisse pour en répondre. Qu’importe ? dira-t-on. Les billets sont suffisamment garantis par les valeurs que possède la Banque, par le portefeuille, et alors, sans aboutir du premier coup au cours forcé, qui est, nous le répétons, le dernier mot de tous ces systèmes, on imagine, pour écarter le remboursement en espèces, la création de billets ou portant intérêt, ou payables à un mois ou deux de date. On ne réfléchit pas que c’est le renversement complet du système de la monnaie fiduciaire. La monnaie fiduciaire ne vaut et n’entre en circulation pour remplacer la monnaie ordinaire qu’autant qu’elle est échangeable contre cette monnaie même, à la volonté de celui qui la possède. Du moment que les billets ont une échéance et ne sont plus payables à volonté, ce sont des obligations plus ou moins valables, qui peuvent entrer en compétition avec les billets à ordre, les lettres de change, etc. ; mais ce n’est pas de la monnaie fiduciaire, et certainement le commerce ne s’en arrangerait pas pour l’escompte de son papier. Autrement il n’est pas nécessaire de recourir à la Banque de France ; il y a aujourd’hui en circulation une masse de valeurs portant intérêt et jouissant d’un grand crédit, parfaitement acceptées du public : les obligations de chemins de fer par exemple. Pourquoi, si l’expédient est bon, ne pas faire escompter le papier de commerce par des obligations de chemins de fer ou d’autres valeurs identiques ? Personne n’y songe. C’est qu’en effet l’obligation de chemin de fer, quelque valable qu’elle soit, n’est pas de la monnaie, c’est-à-dire un instrument d’échange, un signe représentatif de toutes les valeurs, et que c’est de cet instrument, de ce signe, qu’on a besoin pour l’escompte du papier de commerce.

On vante la liberté des banques d’émission qui existe en Amérique et même en Angleterre, et on oublie de nous montrer l’effet qu’elle a eu, soit pour empêcher les crises, soit pour modérer le taux de l’intérêt. Nous n’apprendrons rien à personne en disant qu’en Amérique les crises sont plus fréquentes et plus violentes que partout ailleurs, et le taux de l’intérêt y varie dans des proportions fabuleuses, tantôt à 6, tantôt à 10 et 12, et même 15 pour 100 ; il