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circonstances diverses, a été amenée à mettre en circulation un chiffre exagéré de papier-monnaie, qui, n’étant pas remboursable, subissait une dépréciation de 10 à 12 pour 100. Le gouvernement de ce pays, sentant les embarras de cette situation pour son commerce et voulant y remédier, eut l’idée de contracter au dehors un emprunt de 375 millions, dont le produit serait affecté à rétablir l’équilibre entre la monnaie fiduciaire et la monnaie métallique. Tant que les ressources de l’emprunt ont duré, le papier s’est tenu en effet aux environs du pair ; mais les ressources se sont épuisées, et comme le papier en circulation était toujours trop considérable par rapport à la réserve métallique (2 milliards et demi en billets contre 200 millions en espèces), le gouvernement a dû cesser encore une fois de rembourser. Immédiatement le change sur le papier-monnaie est tombé de 10 pour 100, et dans cet heureux pays qui a une monnaie fiduciaire si abondante, où l’offre par conséquent devrait toujours être en rapport avec la demande, le taux de l’intérêt est à 10 pour 100.

À côté, on voit l’Autriche qui depuis quelques années se débat en vain contre l’adversité perpétuelle du change ; là aussi il y a une abondance considérable de monnaie fiduciaire, beaucoup trop considérable par rapport à la réserve métallique : on y trouve l’idéal des plus petites coupures, puisqu’il y en a d’un florin. Qu’en résulte-t-il ? Que le gouvernement, malgré ses efforts les plus louables, ne peut arriver à faire reprendre les paiemens en espèces, que la monnaie fiduciaire perd de 15 à 20 pour 100, et que tout l’argent s’en va au dehors. Enfin il y a en Amérique, par suite des besoins de la guerre, un papier-monnaie émis par le gouvernement et qui n’est pas remboursable ; il perd de 40 à 50 pour 100 dans le nord, et 150 pour 100 dans le sud. Quant au taux de l’intérêt, il est à un chiffre qui dépasse tout ce que nous connaissons en Europe. Que veut-on de plus concluant pour démontrer que la monnaie fiduciaire n’est pas un capital qui remplace l’argent, qui enrichisse le pays à mesure de son extension, et qui puisse agir sur le taux de l’intérêt ? Si on dit qu’il n’est question, dans les pays que nous venons de citer, que d’une monnaie fiduciaire non remboursable, tandis qu’on ne veut donner d’extension qu’à la monnaie fiduciaire toujours remboursable, nous répondrons qu’on caresse une chimère ; tous les pays qui ont du papier-monnaie en circulation ont commencé par l’idée de n’en pas émettre au-delà des facultés de remboursement, puis les besoins extraordinaires sont arrivés, comme les demandes de remboursement, auxquelles on n’a pu satisfaire, et alors la monnaie fiduciaire remboursable est devenue du papier-monnaie non remboursable. Le cours forcé est au bout de tous les systèmes qui