Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aura fallu expédier d’Europe en 1863 aux pays d’où l’on aura tiré le coton, pour payer la différence entre leurs importations et leurs exportations, et il faudra peut-être en envoyer autant en 1864, ce qui donne à la crise monétaire actuelle une gravité particulière, et fait craindre qu’elle ne soit pas près de finir. Cet envoi de 6 à 700 millions aura produit sur le stock métallique de l’Europe le même effet qu’une mauvaise récolte en céréales. Toutes les fois qu’il y a un déficit dans la récolte, ce déficit se traduit d’abord par la cherté de la denrée qui a manqué, puis par une crise monétaire. Ajoutez à cela les entreprises et les emprunts étrangers qui viennent à tout moment chercher leurs capitaux en Angleterre et en France, qui chaque année se font dans des proportions plus considérables, et on ne devra pas s’étonner qu’il puisse y avoir dans ces deux pays des besoins d’argent exceptionnels.

Sans doute les 6 ou 700 millions et plus à prendre dans le stock métallique de l’Europe ne sont pas d’une importance considérable par rapport à ce stock, qu’il soit de 12 ou même simplement de 10 milliards ; mais ce n’est pas ainsi qu’il faut calculer : il faut considérer que les 10 ou 12 milliards ne sont pas disponibles, qu’ils sont répandus dans la circulation, où ils jouent un rôle plus ou moins utile, et que ce n’est pas là qu’on peut aller les chercher pour les paiemens à faire au dehors par l’entremise des maisons de banque. Ces maisons puisent dans les grands réservoirs où s’amasse à certains momens une partie du numéraire d’un pays : à la Banque d’Angleterre, si c’est à Londres ; à la Banque de France, si c’est à Paris, et la pression exercée sur l’encaisse métallique de ces deux banques a été d’autant plus vive en 1863 que, toujours par suite de la suspension des affaires en Amérique, elles en ont reçu moins d’or que par le passé. Elles ont donc été amenées à se défendre par la seule arme qu’elles eussent entre les mains, qui est l’élévation du taux de l’escompte. — Cette élévation du taux de l’escompte dira-t-on, n’est pas un remède ; elle n’empêchera pas l’argent de sortir pour payer les achats de coton qui ont. eu lieu ; elle fera seulement qu’on le paiera un peu plus cher, ce qui ajoutera encore au prix de revient du coton. — Cela est vrai, la somme qui est due au dehors devra être exportée, quel que soit le taux de l’escompte ; mais à côté de ce besoin essentiel, auquel on ne peut échapper, il y en a d’autres, de moindre importance, qui pourront s’atténuer en raison même de la cherté de l’escompte. Avec l’escompte à bas prix, différentes entreprises se forment qui n’ont pas lieu lorsqu’il est cher ; puis, s’il est vrai que la spéculation joue un certain rôle dans les besoins qui se manifestent, cette spéculation, encouragée par le bas prix de l’argent, ne tarde point à s’arrêter lorsqu’il