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ordonnée par la diète, en pénétrant dans sa vie privée, l’offensa comme femme et comme reine ; à ses récriminations ardentes on répondit par une incroyable remontrance dans laquelle on disait au roi : « La reine est venue dans ce royaume pour être l’épouse de votre majesté, non pour augmenter les difficultés du gouvernement… Si des personnes placées à côté de votre majesté suivent une route qui s’écarte des engagemens contractés par elle devant Dieu et le royaume, et par conséquent de nos intentions et de nos vues, elles tendent, ou bien à introduire deux gouvernemens, l’un s’appuyant sur les lois, l’autre les méconnaissant, ou bien à rendre le roi étranger à la constitution et à la renverser… Les états ne souhaitent pas que votre majesté change de sentimens à l’égard de la reine, mais que la reine en change à l’égard du royaume. Ils s’en rapportent humblement sur ce point aux soins paternels de votre majesté, et se réjouissent de n’avoir pas besoin de recourir aux moyens que Dieu et leur droit ont rais entre leurs mains… Ils prient votre majesté d’être, sans que personne s’en mêle, maître dans sa cour et roi dans son royaume… La constitution leur a donné le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ; mais ce seraient des droits sans effet, si quelque résistance ou quelque censure y pouvait mettre obstacle. Aussi votre majesté s’est-elle engagée par un serment solennel à être toujours d’accord avec les états assemblés, de manière que leurs actes soient réellement ou paraissent être son bon plaisir. »

Telles étaient les prétentions et au besoin les menaces des états. Adolphe-Frédéric, indolent et léger, n’était pas homme à leur faire baisser le ton : il accueillit la remontrance, descendit à excuser la reine, à s’excuser lui-même, et reçut pour récompense un nouvel affront. Ce fut à la suite de ces débats en effet que les états imaginèrent l’estampille, dont ils devaient conserver le dépôt ; c’était « leur humble avis que, dans toutes les affaires sans exception où la signature du roi avait été requise jusqu’alors, le nom de sa majesté fût apposé dorénavant à l’aide de cette estampille toutes les fois que sa signature ne suivrait pas de plein gré la première ou la seconde réquisition. » En agissant de la sorte, ils cédaient seulement, disaient-ils, à cette considération que « le grand nom de roi rend les commandemens plus respectés et les expéditions plus efficaces : » aveu naïf de l’extrémité qu’ils n’eussent pas craint d’affronter en supprimant même le nom de roi, n’eût été l’attachement de la nation à la vieille institution monarchique. Telle était l’infatuation de cette aristocratie, qui ne possédait cependant elle-même qu’un titre avili par ses violences passées, sa corruption présente et son entier dénûment.