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une conséquence logique, c’est pour imposer au Danemark la réalisation de ses promesses de 1851 que l’Autriche et la Prusse ont résolu l’occupation du Slesvig. Au moyen de cette occupation, la Prusse et l’Autriche obtiennent deux résultats : d’une part, elles pèsent sur le Danemark ; de l’autre, elles se placent entre le Danemark et la confédération ; elles préviennent le contact immédiat et le choc des élémens les plus inflammables, elles réservent la question de la succession des duchés au profit des stipulations de 1852, elles enlèvent la solution de cette question aux entraînemens et aux hasards des mouvemens populaires. Telle a été évidemment la pensée qui a inspiré le plan de conduite adopté par la Prusse et l’Autriche. Quoique moins aventureuse que celle de la diète, cette politique n’est cependant exempte ni d’injustice ni de graves dangers. L’injustice, c’est que, par les termes de la sommation adressée à Copenhague, cette politique demande au gouvernement danois des concessions que ce gouvernement ne peut lui accorder légalement : on demande au Danemark le retrait de la constitution de 1863, qui a incorporé le Slesvig à la monarchie, qui a changé en lien réel entre les deux pays le lien uniquement personnel, suivant la prétention allemande, qui unissait la couronne ducale de Slesvig à la couronne royale de Danemark. Cette constitution ne peut être légalement réformée que par la représentation du pays, le rigsraad ; le rigsraad ne peut être réuni qu’après les élections ; les opérations électorales exigent un délai d’un mois, et l’on ne donne au gouvernement danois que quarante-huit heures pour accepter ou repousser la sommation austro-prussienne : voilà l’injustice. Le danger, c’est, quelle que soit la modération relative des vues de l’Autriche et de la Prusse, de blesser, par une invasion du Slesvig exécutée comme sanction pénale d’une sommation dont les termes sont injustes, l’honneur national et militaire du peuple danois, c’est de fournir une occasion flagrante au conflit qu’on affecte de vouloir prévenir. La riposte apparente aux rigueurs excessives de la sommation austro-prussienne a été de la part du cabinet anglais la préparation d’armemens maritimes et militaires destinés à la protection du Danemark ; mais, à l’abri de cette manifestation comminatoire, la diplomatie anglaise a tenté un nouvel effort de conciliation. Pour prévenir l’injustice et le danger d’une occupation du Slesvig, le gouvernement anglais offre à la Prusse et à l’Autriche de se porter garant, pour le gouvernement danois, de la modification de la constitution de 1863 dans le délai de temps et sous les formes où cette modification pourra être accomplie légalement. Les réponses de la Prusse et de l’Autriche à cette dernière proposition anglaise sont attendues pour le 1er février. On a le droit d’espérer que ces réponses seront de nature à confirmer le maintien de la paix et à préparer une solution amiable du conflit dano-allemand.

Si les grandes puissances réussissent à résoudre la question danoise en des termes qui ne s’écartent point de l’esprit du traité de 1852, une grave difficulté aura disparu de la région des questions qui peuvent troubler