Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/728

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du vent qui, franchit l’espace à la tête de la troupe furieuse des nuages et des tempêtes. Signalons aussi l’idée que le dieu-soleil parcourt le ciel sur un char attelé de coursiers brillans. Il a fallu bien du temps pour que les fauves cavales du Véda (haritas) soient devenues les trois grâces que nous savons (charites), compagnes de Vénus-Aphrodite, la nature matinale ou printanière.

On a la preuve également que le culte primitif se passait de prêtres, d’idoles, d’autels, que le sacrifice et la prière en constituaient le fond, et que le père de famille était sacrificateur de droit naturel. Le sacrifice humain, malheureusement bien fréquent chez nos ancêtres depuis leur séparation, remonte-t-il aux temps de l’unité aryenne ? M. Pictet ne le croit pas. Cependant les coutumes funéraires des Scandinaves, des Germains, des Lithuaniens, des Slaves, des anciens Grecs, les sacrifices plus connus encore des Gaulois et des Romains montrent en tout cas que ce rite abominable a ses origines bien loin dans le passé, et si les Védas, exactement interprétés, n’ordonnent que la simulation du sacrifice de la veuve et non pas l’accomplissement réel, comme l’ont voulu plus tard les dévots du brahmanisme, il est bien probable que les pasteurs de l’Indus avaient adouci la coutume antérieure. À côté de ces aberrations douloureuses du premier des sentimens humains, on est heureux de voir qu’une foi puissante dans la vie à venir fait partie des plus anciennes croyances de notre race. Partout on retrouve les traces des procédés plus ou moins naïfs mis en œuvre pour que les chers morts fassent paisiblement et sûrement leur voyage vers la patrie future. Enfin certaines superstitions, le mauvais œil, les gobelins ou kobolds, la sorcellerie, etc., remontent jusqu’aux temps les plus reculés, et rien de plus étrange que la ressemblance qui existe souvent entre les préjugés ou les terreurs régnant, par exemple, dans notre Morbihan et celles qui fleurissent encore à l’ombre de l’Himalaya. Qui se serait douté qu’on pouvait passer, par une filiation régulière, du chien, qui, selon nos Bas-Bretons, conduit les âmes défuntes chez le curé de Braspar, au Mercure grec psychopompe et à la chienne d’Indra, chantée aux bords du Gange ?

Il nous a suffi d’indiquer ici quelques-uns des brillans et curieux sujets que l’étude des origines indo-européennes offre à l’analyse. On a pu se faire ainsi quelque idée de l’intérêt propre à ces sciences modernes dont la comparaison est le principe générateur. Que l’on ne s’imagine pas au surplus que la curiosité soit seule intéressée à cette résurrection de nos ancêtres inconnus. Les conséquences pratiques de telles études ne tarderont peut-être pas à se révéler dans ce monde instruit qui, sans cultiver les sciences spéciales, est ouvert à leur influence et la fait pénétrer à la longue chez ceux même