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une grande famille distincte des autres agglomérations humaines. Le roi, qui ne paraît pas avoir jamais été unique, a d’abord été le guide, le directeur, et le grec basileus, qui signifie monté sur la pierre, rapproché d’expressions et de traditions germaines, scandinaves, écossaises, atteste encore la vieille coutume aryenne d’élever sur une pierre celui que l’assemblée du peuple avait désigné comme son chef. La royauté était ainsi soumise au principe de l’élection. Qu’on cesse donc de nous parler de je ne sais quelle fatalité de la race latine en vertu de laquelle, nous, fils des Gaulois et des Celtes, nous serions voués à jamais au régime despotique, Nous ne sommes latins que par la conquête, et plus profonde que les idées et les institutions implantées chez nous par la domination romaine se trouve la bonne vieille tradition aryenne. C’est là qu’il faut nous retremper, apprendre à nous connaître, et nous rappeler que nous appartenons, nous aussi, à la race fière et libre qui s’appelait « l’honorée. »

Rien de plus intéressant que de découvrir dans la philosophie spontanée des langues la confirmation toute désintéressée des théories élaborées par la haute raison de l’humanité civilisée. C’est ainsi que l’un des anciens noms de la richesse la définit gain acquis par le travail. Notre race, dirait-on, est philosophe d’instinct, et aux Indes, en Grèce, en Allemagne, en France, partout presque où elle a fait de l’histoire, elle a fait aussi de la philosophie avec une hardiesse et une profondeur que ni Chinois, ni Sémites n’ont jamais connues. Certes ce n’est pas aux temps reculés de l’unité première qu’il faut s’attendre à rencontrer même les commencemens d’une œuvre de civilisation raffinée ; mais la langue primitive atteste déjà les tendances philosophiques de ceux qui l’ont enfantée. L’homme, pour nos pères aryens, c’est à l’être qui pense, » le mari, conservé dans les langues germaniques, dans le manou indien, dans le mens latin. Penser, c’est « parler dans son ventre, » dit le sauvage ; c’est « agiter en soi-même (co-gitare), » dit l’Arya. L’âme, c’est un souffle, ce qu’il y a de plus immatériel au monde. Connaître, c’est « recueillir, rassembler, saisir. » Sans jeu de mots, on peut dire que dans la langue de nos ancêtres la connaissance est la « naissance de l’esprit. » Vouloir, c’est « choisir, aimer, » et si l’on y réfléchit bien, on verra que c’est la seule définition rationnelle du vouloir. Composer un hymne, c’est le tisser. Se souvenir, c’est « penser de nouveau, renouveler la pensée en soi-même, » et ce sens, indiqué par les racines sanscrites, se retrouvera fidèlement dans le latin recordari (faire revenir au cœur), dans l’allemand erhmern (faire rentrer en soi), l’anglais recollect, le français rappeler. Le mal moral, c’est une souillure, quelque chose qui salit. Quelle finesse