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se préoccupent de plus en plus des nouveaux domaines que la comparaison des langues, des religions et des races ouvre désormais à l’investigation scientifique. Jusqu’à ce jour, aucun travail de coordination n’avait relié les nombreuses données éparses dans une foule d’écrits français, anglais, allemands, de manière à présenter une vue d’ensemble des principaux résultats de ces recherches si intéressantes pour nous, et qui portent sur les antiquités les plus reculées de notre race. C’est en effet de nos ancêtres qu’il s’agit ici : nous descendons tous en ligne directe de l’un de ces Aryas que la science moderne est allée déterrer par-delà le grand Désert-Salé, entre la mer d’Aral et les montagnes de l’Hindou-Khô. L’auteur du savant ouvrage dont nous voudrions parler, M. Adolphe Pictet, déjà connu par ses travaux sur l’esthétique et les antiquités druidiques et hindoues, avait bien qualité pour entreprendre la difficile tâche qu’il s’est assignée. Non-seulement il pouvait résumer, il pouvait aussi poursuivre et compléter les travaux des autres. Il appartient d’ailleurs à cette noble famille Pictet, qui a donné dans le passé à la république genevoise tant d’hommes de valeur, et de nos jours encore un zoologiste de premier ordre, M. Pictet de La Rive. Cette noblesse républicaine et intellectuelle oblige comme les autres, et M. Adolphe Pictet était depuis longtemps déjà digne du nom qu’il porte quand il résolut de consacrer les loisirs de sa laborieuse vieillesse à élever un de ces monumens qui marquent dans la science, lors même que des recherches ultérieures devraient en modifier beaucoup les résultats, parce qu’ils fixent le point de vue et permettent à l’esprit de s’orienter désormais avec assurance dans de nouvelles directions. L’auteur de cet essai de paléontologie linguistique (c’est ainsi que lui-même appelle son livre) est parti d’un fait acquis à la science, celui de l’existence, antérieure à toute histoire fixée par des documens, d’un peuple dont les Hindous, les anciens Médo-Perses et la presque totalité des peuples européens sont les descendans. Quel était ce peuple ? Quel pays habitait-il ? Quels étaient ses mœurs, ses tendances, son état social, ses croyances ? Voilà les questions qu’il s’agissait de résoudre. En nous aidant des recherches de M. A. Pictet, en nous appuyant aussi sur d’autres travaux récens, nous tâcherons d’exposer comment la science moderne y a répondue seulement il importe qu’on puisse se convaincre du caractère positif de ces résultats, qu’on n’y voie pas un amas d’hypothèses plus ou moins ingénieuses. C’est ce qui nous engage à montrer d’abord par quelle voie, par quels procédés on a pu retrouver et en quelque sorte évoquer ce peuple disparu depuis cinq mille ans.