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toute sorte de livres, de journaux ; — prêtre qu’il faut surveiller, mener d’une main de fer et contenir toujours dans les plus basses conditions du clergé, pour que la gêne, l’isolement, le manque de moyens de se produire, le retiennent dans une obscurité salutaire : les moindres faveurs le perdraient… »

Il en résulte que du secrétariat de l’archevêché l’abbé Julio de La Clavière tombe à un cinquième vicariat de l’église de Saint-Sernin à T., et que de son cinquième vicariat il tombe bientôt dans la petite cure de Saint-Aventin, perdue au fond des Pyrénées, dans la vallée de l’Arboust. Pourquoi cette dernière disgrâce ? D’abord parce qu’il a osé publier le testament religieux du cardinal de Flamarens, sans y mettre son nom il est vrai, en empruntant le nom transparent d’un de ses amis, Auguste Verdelon, cet abbé défroqué qui est devenu un habile avocat de T., et ensuite parce qu’il a eu la témérité de prononcer devant des jeunes gens un discours sur une de ces thèses devant lesquelles ne reculait pas l’éloquence audacieuse et chaste de Lacordaire, sur l’amour. Notez que le discours a été prononcé dans une maison d’éducation rivale de celle des jésuites. « On n’entretient pas en chaire les jeunes gens de telles images, » dit Mgr Le Cricq, et il envoie l’imprudent abbé aux neiges éternelles pour calmer et rafraîchir son imagination. Le crime, le vrai crime de Julio, c’est d’être au milieu des retardataires, et des immobiles un esprit, un phénomène moral inquiétant, une infraction vivante à la discipline de l’habitude et du silence, — » qui sait ? peut-être un Luther en herbe ou un Lamennais.

Le voilà donc à Saint-Aventin, exilé, relégué enfin dans l’obscurité salutaire, averti d’avoir à être sage, de se conformer aux directions de M. le curé de Luchon, qui est son supérieur, et ce n’est pas la partie la moins curieuse de ce livre étrange. On n’est plus ici dans cette région où se heurtent les influences directrices, les ambitions et toutes les passions religieuses, où autour de l’archevêque s’agitent le père provincial des jésuites et les chefs des autres ordres, et M. l’archipretre de la cathédrale et le vicaire-général, et tous ceux qui en habit de laïques aspirent à être les conseillers du gouvernement spirituel ; on est au village, au presbytère, à la conférence ecclésiastique chez M. le doyen, enfin au milieu de tout ce monde du clergé inférieur plein de vertus le plus souvent, mais qui a bien, lui aussi, ses mœurs, ses caractères et même ses petites tempêtes, où tout ce qui se passe en haut a son retentissement ; c’est la vie ecclésiastique de campagne. Il faut se souvenir de ce qu’est Julio, — une âme d’une noblesse morale originelle, élevée par la culture de l’esprit et par l’habitude de la méditation, exubérante de foi et de science, droite, ardente et délicate, — il faut se souvenir,