Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/583

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contenus dans une poche blanche que l’animal file aussitôt après son introduction. Cette poche n’enveloppe d’abord que la partie moyenne du bicho, et offre alors l’apparence d’une zone blanchâtre terminée par deux points noirs qui représentent l’un la tête, l’autre l’extrémité de l’abdomen ; ce dernier disparaît aussi bientôt, et au bout de quelques jours la poche atteint le volume d’un petit pois et enveloppe le bicho tout entier. Une petite dépression au milieu, terminée au fond par un point noir, indique la tête.

Les esclaves, allant toujours nu-pieds et ayant par conséquent l’épiderme excessivement dur, ne s’aperçoivent guère de la présence du bicho qu’au bout de plusieurs jours, lorsque la poche abdominale, grossissant sans cesse, force les chairs à s’écarter, et par suite provoque l’inflammation. Avertis alors par la douleur, ils retirent l’animal avec la pointe d’une épingle ou d’un couteau. J’ai vu une fois une jeune négresse armée d’une énorme cheville en fer et travaillant le pied de sa grand’mère comme un maréchal-ferrant travaillerait le sabot d’un cheval. Il est vrai que l’épiderme de la pauvre vieille femme était tellement durci par les ronces et les cailloux qu’on pouvait enfoncer de plusieurs millimètres sans atteindre le vif. Souvent un opérateur maladroit perfore la poche abdominale, et laisse ainsi les œufs dans la plaie. Ces œufs éclosent ou pourrissent, et dans les deux cas augmentent l’inflammation. Après l’extraction, les noirs improvisent un pansement avec un peu de tabac, de chaux, de cendres ou de calomel ; mais cette méthode, bonne pour l’épiderme ligneux du nègre, devient souvent insuffisante pour les pieds délicats des Européens. Pendant plusieurs jours, il faut visiter la plaie et la laver avec soin. J’ai cru remarquer que les colons étaient plus sujets à l’invasion de ces animalcules pendant la première année de leur séjour dans le voisinage des forêts vierges. Cela s’explique : d’un côté le soleil durcit l’épiderme, de l’autre on s’habitue à prendre des précautions.

Le carrapato (acarus americanus) est un autre parasite moins dangereux que le bicho, mais peut-être plus douloureux. C’est un acare dans le genre de celui que les paysans appellent pou des bois. Très avide du sang de l’homme et des animaux, il introduit son suçoir dans les chairs et ne s’en détache que lorsque, gonflé outre mesure, ses muscles ne peuvent plus le soutenir. Sa présence se révèle par une douleur cuisante et un bouton rouge à la surface de la peau, et dont il occupe le milieu. Les nègres se contentent, pour s’en débarrasser, de le saisir avec le bout des ongles et de l’extraire ; mais l’animal, cramponné avec ses pattes antérieures, se laisse, comme le bicko, couper en deux plutôt que de lâcher prise. Ces fâcheux parasites, le carrapato et le bicho, disparaissent pendant