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confié, le porte dans sa chambre, pour le mettre à l’abri des jaguars, des chats sauvages et des esclaves vagabonds qui rôdent la nuit autour des habitations.

Le singe a généralement le caractère gai. Il est curieux de le voir agacer de ses plaisanteries ses compagnons de chaîne, apprivoisés comme lui, les perroquets, les aras, les cacatoès. Ces pauvres bêtes à contenance chagrine ne répondent à ces innocentes espiègleries que par des battemens d’ailes et des cris de frayeur ; mais elles trouvent dans les négrillons de zélés auxiliaires pour les venger. Sous prétexte de faire l’éducation du macaco, ceux-ci ne manquent jamais, toutes les fois qu’ils le rencontrent seul, de l’abreuver de toute sorte de mauvaises niches. Le singe, comprenant qu’il a affaire à des écoliers turbulens et non à des professeurs, montre d’abord ses incisives ; puis, perdant patience, il s’élance d’un bond sur ses provocateurs, mais, retenu par la chaîne, il retombe aussitôt sur ses pattes, aux cris de joie des négrillons, qui ont soin de se tenir hors de portée. Vient-il cependant à rompre sa chaîne ou à dénouer son collier de ses doigts flexibles et intelligens, malheur alors aux enfans de couleur qu’il rencontre sur son passage ! Une chose remarquable, qui frappe fortement l’imagination superstitieuse du nègre, mais qui s’explique par ce que nous venons de dire, c’est que le singe respecte volontiers les enfans blancs, surtout ceux de la maison.

Les mœurs du macaco bravo (sauvage) ne sont pas moins intéressantes que celles de son frère de la fazenda. Bien qu’il se laisse difficilement approcher, on peut cependant, à l’aide d’une étude attentive, se faire une idée de ses habitudes, et se convaincre qu’il n’est pas étranger au goût du comfort, qu’il a entre autres connaissances des notions saines en mécanique, et qu’il sait s’en servir au besoin. Les fruits formant la base de sa nourriture, il lui arrive parfois de tomber sur une coque trop dure pour ses dents. Dès qu’il est convaincu de l’inutilité de ses efforts, il descend prestement de l’arbre, va saisir un caillou, et s’en sert comme d’un marteau. Si cela ne suffit pas, comme on le voit souvent avec certains fruits dont le péricarpe ligneux est très résistant, il escalade de nouveau le tronc, grimpe jusqu’aux plus hautes branches, et laisse retomber la coque de tout son poids. La distance qu’elle parcourt avant d’atteindre le sol étant d’ordinaire très considérable, il en résulte dans la chute une très grande vitesse et un choc auquel l’enveloppe ne saurait résister. Cette méthode, qui ferait honneur à plus d’un Botocudo, n’est pourtant pas sans inconvéniens. Elle amène souvent des brouilles suivies de rixes. Il se trouve en effet presque toujours des voisins témoins de ces préparatifs gastronomiques, et l’on sait les maximes que professe le macaco à l’endroit de la propriété.