Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/535

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont nous parlons, explique par quelque naufrage ou des hasards de navigation les ressemblances que présentent les vocabulaires malais et polynésien. Cependant, s’il en était ainsi, les analogies s’arrêteraient là ; elles ne toucheraient pas au fond de la langue. En empruntant des mots à l’anglais, le polynésien lui a laissé sa grammaire, tandis que c’est surtout par celle-ci, comme on l’ ! a vu plus haut, qu’il se rapproche des langues malaises. Or tous les philologues s’accordent pour voir dans la grammaire la portion la plus importante du langage, et c’est sur ce signe de la proximité des langues qu’ils s’appuient pour grouper en une seule famille toutes celles que parlent les populations malayo-polynésiennes.

Ainsi l’étude linguistique, d’accord avec les résultats que fournit l’observation des caractères physiques, conduit à ne voir dans l’ensemble de ces populations qu’une grande formation anthropologique. Toutefois pas. plus l’une que l’autre ne prétend confondre ou identifier les races malaises et polynésiennes. Les mêmes élémens leur ont, il est vrai, donné naissance ; mais la proportion de ces élémens a varié. Dans les archipels indiens, ces variations s’accusent souvent d’île à île, du rivage à l’intérieur, de la plaine aux montagnes. Dans l’Océanie, des conditions générales d’existence presque identiques et des circonstances spéciales ont donné aux insulaires à la fois plus d’homogénéité à tous égards et des caractères propres. En " outre, chez les Polynésiens, isolés du reste du monde, certaines institutions se sont développées sans contrôle, certains traits de mœurs se sont exagérés, et ils ont dû à cet ensemble de circonstances certains caractères intellectuels et moraux qui ont pu paraître exceptionnels aux premiers observateurs, bien qu’ils aient parfois leurs analogues frappans chez bien des peuples continentaux. C’est à ces derniers points de vue qu’il reste à les examiner rapidement.


II. — Caractères intellectuels.

Revenons d’abord au langage, et constatons en premier lieu un fait capital, à savoir que ce langage est un de l’île de Pâques à l’archipel de Samoa, de la Nouvelle-Zélande aux Sandwich, c’est-à-dire sur un espace environ trois fois plus grand que l’Europe. Sans doute d’archipel à archipel, parfois d’île, à île, il existe sous ce rapport des différences assez sensibles, et nous venons de signaler une des plus remarquables ; mais ces différences ne dépassent pas celles que présentent les simples dialectes d’une même langue, elles n’égalent pas celles qui séparent l’italien de l’espagnol. « Peu d’heures, nous dit M. Mœrenhout, suffisent à un Tahitien pour entendre et même, pour