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jusqu’à présent dans le corps législatif, et l’on est volontiers indulgent pour les erreurs passées, lorsqu’on se croit garanti contre le retour de ces erreurs dans l’avenir. Qu’y a-t-il d’étonnant que l’on se soit trompé dans le calcul des dépenses de l’expédition du Mexique, lorsqu’on voit les erreurs commises dans les prévisions relatives à cette affaire par la diplomatie et l’administration de la guerre ? La faute générale dont les erreurs financières sont une conséquence partielle provient d’un certain optimisme et d’un laisser-aller auxquels les gouvernemens s’abandonnent trop facilement dans la conduite de leurs entreprises, lorsqu’ils ne sont pas rappelés constamment, par un contrôle efficace, à l’appréciation anxieuse de la portée de leurs actes. Quand on est le gouvernement de la France, quand on sent les ressources dont on dispose et la force qu’on a dans les mains, il est si naturel de croire aux succès qu’on a rêvés, de faire de la politique au petit bonheur ! Qu’on réfléchisse encore qu’un ministre des finances n’est doué d’une autorité suffisante pour s’opposer, au sein du cabinet, à des mesures dont les conséquences financières peuvent déranger ses budgets qu’à la condition d’être pour ainsi dire vis-à-vis de ses collègues le représentant du contrôle de la chambre. Dans l’intérieur d’un conseil des ministres et dans le secret de ses délibérations, un ministre des finances, à notre idée, ne peut être qu’un ministre d’opposition. Son rôle est une lutte perpétuelle contre ses collègues, qu’il doit s’efforcer sans cesse de contenir dans les limites des ressources ordinaires du pays et des dépenses prévues. Qu’on imagine le plus prodigue, le plus facile, le plus chimérique des ministres des finances, un Calonne même : soyez sûr qu’il sera obligé à un certain moment de résister aux exigences de ses collègues ; mais pour que dans cet antagonisme naturel du ministre du trésor contre les autres départemens ministériels une autorité suffisante et la victoire définitive appartiennent à celui qu’on appelait autrefois le contrôleur-général des finances, il faut qu’il ait derrière lui la surveillance attentive et sévère de la chambre représentative. C’est à cette condition, nous n’avons pas cessé de la répéter depuis le sénatus-consulte de 1861, que le nouveau système financier peut rendre d’utiles services ; il n’est que juste de reconnaître que ce système financier facilite l’accomplissement de cette condition, puisqu’il provoque la chambre à un contrôle plus sérieux et plus efficace, et enfin il est permis d’espérer que la chambre nouvelle, où l’opposition forme une fraction plus nombreuse, où elle compte des membres remarquables par leur perspicacité en matière de finances, où par son activité et son autorité elle communique à la majorité une émulation généreuse dont les effets se font déjà sentir, ne manquera pas à la mission que les intérêts du pays et nos institutions améliorées lui imposent.

La belle discussion des crédits supplémentaires a été un digne prélude de l’ouverture des débats de l’adresse. Là discussion de l’adresse de 1864 sera une page heureuse et mémorable de l’histoire de France : elle devra