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la Banque de l’État[1]. Les statuts de cette banque, qui résume aujourd’hui tout le mouvement du crédit de la Russie, datent du 31 mai 1860. Elle a été fondée avec un capital de 15 millions de roubles ; les encaisses des anciens établissemens de crédit lui ont été remis, et elle répond de leurs engagemens. Le but principal qui lui est assigné, c’est de consolider le système de la monnaie fiduciaire, mais les moyens mis à sa disposition ne cadrent guère avec la grandeur d’un pareil résultat. Cette vaste machine de liquidation et de centralisation des obligations fiduciaires et de la dette flottante de l’empire pèche par la base. Au 1er mai 1861, le bilan de la Banque de l’État, remarquable par l’exiguïté du portefeuille commercial, qui dépassait à peine 50 millions de francs (13,648,344 roubles), n’offrait qu’une réserve métallique de 86 millions de roubles (344 millions de francs) en présence de 714,627,069 roubles (2 milliards 856,000 francs) de billets en circulation. Aussi le cours du change continuait-il à peser d’une manière défavorable sur toutes les transactions. L’esprit d’entreprise, qui parut se réveiller un moment, ne tarda point à s’engourdir en présence des échecs subis ; tout se tient, tout se lie dans l’organisme social : pour donner une impulsion active au travail, il faut rétablir la confiance, et la première condition pour faire renaître la confiance, c’est de soustraire à un régime anormal le signe et le gage des échanges, la monnaie. L’intelligent sous-gouverneur de la Banque de l’État, M. Eugène Lamanski, rédigea au commencement de 1862 un mémoire sur les motifs de la désorganisation du système de crédit en Russie et les moyens de le rétablir. M. Lamanski mettait résolument le doigt sur la plaie : les difficultés financières de l’empire tiennent avant tout à l’instabilité de l’instrument monétaire. Les billets de crédit à cours forcé subissent un taux variable en présence de l’or et de l’argent, devenus des marchandises dans la stricte acception du terme. Le billet d’un rouble n’est plus l’équivalent de 4,21 zolotniks d’argent (20 grammes 724, au titre de 878 millièmes, ce qui équivaut à 4 francs). Le cours défavorable du change l’a déprimé jusqu’à 3 francs 3.0. ; il est remonté à 3 francs 60, mais sans pouvoir s’y maintenir. Pour sortir de l’impasse où elle se trouve engagée, la Russie doit avant tout renoncer à user de la multiplication de la monnaie de papier comme d’une ressource financière de gouvernement ; elle doit rentrer dans la vérité en supprimant le cours forcé

  1. L’Annuaire de la Revue de 1858-1850 et celui de 1860 donnent à ce sujet des détails précis. Il est utile de rappeler qu’en vertu d’un oukase du 10 avril 1859 il a été interdit aux institutions de crédit de consentir aucun prêt nouveau, ni aucun renouvellement d’un prêt ancien aux propriétaires fonciers, privés ainsi d’une indispensable ressource.