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de la dette, chargée de retirer par ce moyen une certaine quantité de papier-monnaie de la circulation. La masse du papier fut réduite en 1822 à 595 millions 776,000 roubles.

C’était le comte Cancrin qui prenait à cette époque la direction des finances ; il se refusa résolument à transformer une dette sans intérêts en une dette qui entraînait des charges annuelles pour le trésor. Il préféra soutenir, autant que faire se pouvait, le cours de la monnaie de papier, en attendant le moment où il pourrait lui substituer le numéraire, sans courir le risque d’acheter par un sacrifice permanent la perspective de nouvelles émissions fiduciaires et de nouvelles révolutions dans les prix. Il demeura fidèle à cette résolution, et cette fermeté, qui fit maintenir jusqu’en 1839 les 595 millions 776,000 roubles-assignats sans aucun accroissement, fait d’autant plus d’honneur au ministre que la situation des finances avait été exposée à d’autres échecs par les campagnes de Turquie et de Perse et par la guerre de Pologne.

Pendant cette période, il se manifesta un singulier phénomène, d’une explication difficile. Tandis que les caisses publiques acceptaient le rouble de papier au taux nominal, le rouble d’argent à 3 roubles-assignats 60 kopecks et la demi-impériale d’or à 18 roubles 25 kopecks, le commerce et le public admettaient un autre cours, à savoir : le rouble de papier à 1 rouble 27 kopecks, le rouble d’argent à 4 roubles 30 et 40 kopecks, la demi-impériale à 23 roubles. On ne voyait dans ces variations, qui affectaient rudement les échanges, et dont le pays se plaignait hautement, en les dénonçant comme le fruit de l’agiotage, qu’une spéculation des changeurs. Le gouvernement résolut de mettre un terme à ce triste état des choses par une mesure décisive : un manifeste du 1er juillet 1839 déclara que le rouble-argent serait désormais, et d’une manière invariable, la seule monnaie légale de l’empire, et que les assignats, ramenés à leur rôle primitif de monnaie auxiliaire, seraient admis d’une manière fixe pour une valeur de 3 roubles 1/2 contre un rouble-argent. Tous les engagemens entre particuliers et vis-à-vis du trésor devaient désormais être conclus et acquittés sur le pied du rouble-argent. Il fut sévèrement interdit d’attribuer, dans aucun cas, aux assignats une valeur différente de celle prescrite par le nouveau manifeste, et il fut ordonné que tous les cours seraient cotés en argent. Cette mesure fut bientôt suivie du retrait des assignats : de nouveaux billets de crédit de l’état les remplacèrent ; ils devaient asseoir d’une manière définitive le régime du numéraire métallique. Ce sont ces billets qui circulent encore aujourd’hui en Russie, en s’ éloignant, hélas ! de la pureté que le comte Cancrin voulait leur conserver. Le retrait des assignats fut ordonné par le manifeste du