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la dupe d’un intendant qui, de son chef, aurait fait à Lesage et à Guibourg des demandes criminelles dans l’intérêt prétendu de son maître. Un arrêt condamna l’intendant aux galères perpétuelles, et Luxembourg fut déchargé de l’accusation. Le secrétaire d’état de la guerre, qui était alors à Barèges « pour le recouvrement de l’usage de sa jambe, » informé par le duc lui-même de ce résultat, lui répondit (28 mai 1680) qu’il avait appris avec beaucoup de plaisir sa justification, mais que sa lettre lui annonçant l’ordre de s’éloigner de la cour l’avait fort affligé. « Je vous supplie, ajoutait-il, d’en être bien persuadé et de la part sincère que je prends à ce qui vous touche, étant aussi véritablement tout à vous. » Que s’était-il passé depuis la lettre au roi du 8 octobre 1679 ? Louvois avait-il eu la preuve de l’innocence du duc de Luxembourg ? Son affliction et ses protestations de dévouement étaient-elles sincères ? La note suivante, faisant partie, comme celle de La Frace, du procès-verbal d’inspection du fort de Salces, n’éclaircit pas ce point. « Le sieur comte Montemajor m’a dit être gentilhomme et qu’il a servi de volontaire pendant douze années auprès de M. le maréchal de Luxembourg. Il dit avoir été arrêté pour ses intérêts, comme on le peut voir par les informations. Il y a près de douze années qu’il est prisonnier, savoir trois à Vincennes et près de neuf à Salces. » Que le duc de Luxembourg n’eût eu à se reprocher qu’une curiosité indiscrète, et que ses subalternes l’eussent imprudemment compromis, cela paraît probable, et l’on comprend sans peine, même en admettant que ses visites à la Voisin n’eussent pas été exemptes de tout appel aux génies malfaisans, qu’il eût été acquitté ; mais alors de quel droit retenir ainsi, la vie entière et sans jugement, entre les quatre murs d’une prison d’état, un homme dont l’unique faute était, selon toutes les apparences, d’avoir servi d’instrument aux volontés du duc ? car il est évident que s’il avait eu d’autres torts, on l’aurait jugé. Nouvelle et triste preuve de la légèreté odieuse avec laquelle le gouvernement disposait du premier et souverain bien de l’homme, la liberté ! Et cette violation de la loi, pardonnable peut-être aux peuples barbares chez qui le droit c’est la force, l’était d’autant moins en France à cette époque que les mœurs y étaient plus polies, la société plus éclairée, et que d’immortels écrivains, Corneille et Molière, Racine et Bossuet, frappaient, à l’empreinte de leur génie, les maximes les plus élevées, les plus pures, et répandaient sur la première moitié de ce règne privilégié sous tant de rapports un éclat qui ne pâlira jamais.

Constituée par lettres patentes du mois d’avril 1679, la chambre de l’Arsenal fut dissoute vers les derniers jours de juillet 1682. La lettre, œuvre de La Reynie, par laquelle Louis XIV informa de sa