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d’affaiblir les croyances religieuses : eh bien ! voici un croyant qui, au nom de la foi, réclame la liberté ; mais c’est M. Guizot qu’il faut entendre. « L’auteur, dit-il, à en juger du moins par son ouvrage, seule connaissance que nous ayons de lui, est évidemment dans l’état moral où doit être la société tout entière ; la loi qu’il invoque pour le monde extérieur règne dans son âme ; le principe de la liberté de conscience y habite à côté des principes avec lesquels il a eu jusqu’à nos jours tant de peine à s’accorder ; chrétien déclaré, sa foi est profonde, rigide, fervente, et il porte un respect non moins profond, non moins fervent à la foi d’autrui. Ce n’est point par indifférence en matière religieuse, ni par sagesse politique, ni par simple goût de l’ordre et de la paix, ni même par une pure idée de justice distributive qu’il réclame au profit de tous la liberté de conscience : il obéit à une croyance intime, impérieuse, qui s’associe à tous ses sentimens, qui loin d’exiger de sa part un effort, un acte de raison, une simple réflexion, l’anime et le dirige spontanément, comme un besoin de sa nature morale, comme la constante habitude de sa pensée, en sorte qu’à l’autorité des raisons se joint, dans son ouvrage, celle de l’exemple, et qu’il est lui-même la meilleure preuve qu’une parfaite harmonie peut exister entre la foi et la liberté. Je ne saurais assez dire, messieurs, quelle joie profonde nous avons ressentie au spectacle d’une âme ainsi disposée, d’une âme pieuse pour qui le respect de la liberté de conscience est une affaire de conscience… » Belles paroles ! touchante émotion du juge ! Nous avons sous les yeux ce mémoire en faveur de la liberté des cultes, et nous ne croyons pas que M. Guizot en ait exagéré la valeur ; le jeune apôtre du libéralisme chrétien méritait bien ce chaleureux hommage. Non pas, certes, que ce soit là une œuvre irréprochable ; le rapporteur en a signalé avec précision les défauts littéraires, les erreurs de doctrine, et M. Vinet lui-même, dix années après, publiant une seconde édition de son manifeste, n’hésitait pas à dire que le livre était à refaire. Le plan ne valait rien, les preuves étaient souvent mal choisies, il y avait çà et là des excès de pensée : l’auteur, dans son zèle pour l’indépendance de l’âme, se montrait injuste pour l’état ; il affirmait qu’aucun élément moral supérieur à la nécessité n’a eu part au rapprochement des hommes, à la formation de la société civile ; jaloux d’enlever à cette société tout prétexte de s’immiscer dans les choses de la conscience, il déshonorait la morale sociale et ne voulait y voir qu’un produit de l’intérêt. L’état, en un mot, se trouvait attaqué ici, non par l’église comme au moyen âge, mais par la conscience individuelle, et la sentence qui le frappait, bien que ne venant pas du Vatican, ressemblait pourtant à une sorte d’excommunication. Telles étaient les