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LE
LIBERALISME CHRETIEN

ALEXANDRE VINET, SA VIE ET SES OEUVRES.

« Ce sont principalement les progrès de l’esprit religieux que nous avons eus à cœur. Cet esprit, comme tout ce qui s’appelle esprit, ne peut fleurir que par la liberté. De même qu’il n’y a d’esprit public que dans les pays où les individus ne sont pas exclus de toute participation à l’administration de la société, l’esprit religieux ne peut se déployer avec force que sous les auspices de la liberté. » Cette profession de foi d’Alexandre Vinet a été écrite en 1825, longtemps avant que nos vicissitudes politiques eussent enseigné à M. de Tocqueville combien la liberté est nécessaire à la religion, et combien la religion, à son tour, est un élément essentiel de toute société libre. Il y a des paroles qui dépassent la pensée de l’écrivain, et qui, détachées du texte, prennent une signification usurpée. La citation que nous venons de faire n’est pas une de ces paroles de hasard. Ces rapports de la religion et de la liberté, mis désormais en pleine lumière par la philosophie sociale de M. de Tocqueville, Vinet les avait conçus avec une noble énergie dans un temps où personne n’y songeait. Le principe formulé par lui en 1825 a été l’âme de toute sa vie.

D’où lui venait une inspiration si vigoureuse, à lui qui avait toujours vécu loin de ces théâtres où se fait l’histoire du monde ? Dans nos grands centres, Paris, Londres, Berlin, nous croyons volontiers que le vrai mouvement des idées ne saurait se déployer ailleurs,