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caractère nouveau, c’est-à-dire français et national. Ce qui semble acquis d’abord, c’est que la sculpture religieuse n’a pas devant elle un grand avenir. C’est lorsqu’elle a reproduit la figure de nos grands hommes ou certains épisodes de nos fastes militaires et politiques que la statuaire a rencontré surtout l’inspiration vraie, l’accent sincère, la forme expressive, et qu’elle a remué le sentiment public. Pour nous émouvoir, l’artiste doit être ému ; pour nous intéresser à son œuvre, il doit s’y être lui-même intéressé : or les gloires de notre pays, ses hommes célèbres et utiles ont infiniment plus de chances d’émouvoir l’artiste et nous-mêmes que la rencontre de Diogène et d’Alexandre, et tel autre sujet grec ou mythologique. La représentation sculpturale de nos plus illustres concitoyens en médaillon, en buste, en pied, placée dans nos salons privés ou publics, sur nos places, sur leurs tombeaux, à l’entour ou dans l’enceinte même des monumens et des palais, n’est-ce pas là l’un des principaux et des plus dignes objets de la statuaire actuelle ? Et en suivant cette voie, l’art rencontrera-t-il fatalement l’écueil du réalisme ? Non, certes, s’il comprend sa tâche et son devoir. Or le devoir et la tâche de cet art historique seront d’exprimer dans les traits et l’attitude de chaque personnage ses facultés éminentes, son génie ou son talent, son caractère intellectuel ou moral, bref ce qui l’a fait populaire et illustre, et cela c’est proprement le côté idéal de l’individu. En outre cet homme portait le costume de son pays et de son temps ; il a honoré ou même ennobli ce costume ; l’artiste à son tour ennoblira cet habit ou ce manteau, cette simarre de magistrat ou cette robe de prêtre ; il assouplira l’étoffe, élargira les plis et fera sentir partout la vie cachée. David d’Angers a excellé dans ce genre : il y est devenu, on peut le dire, le sculpteur national de la France.

Ce n’est pas tout : David a employé plus d’une fois avec succès, d’autres ont employé heureusement comme lui cette même allégorie vêtue à la grecque, laquelle, tout à l’heure, a été sévèrement jugée et presque congédiée. Voici ce qu’on peut en conclure. Il est des idées, des abstractions diverses dont on ne saurait interdire l’expression à la statuaire sans l’appauvrir à l’excès. D’autre part, ces idées, par cela même qu’elles sont abstraites et générales, réclament une forme générale comme elles, car il est trop évident qu’une forme individuelle quelconque leur imprimerait un caractère individuel qu’elles excluent ; mais la forme la plus générale que puisse employer la sculpture, c’est le corps humain nu, ou tout au plus revêtu d’une draperie qui le dessine et l’indique. On a donc adopté, pour représenter les personnifications abstraites, le corps nu ou drapé, non parce que la nudité et la draperie sont