Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/338

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES DESTINEES
DE LA SCULPTURE

Recherches sur l’Art statuaire, considéré chez les anciens et chez les modernes, par T.-D. Émeric David, nouvelle édition, etc., 1833.

Il y a aujourd’hui soixante-cinq ans, en l’an VI de la république, le directoire, ayant à célébrer l’anniversaire du 9 thermidor et voulant ôter à cette fête tout caractère de haine politique, organisa une grande solennité où les cœurs pussent s’unir dans un même sentiment de concorde et de patriotique orgueil. Il décréta que les monumens précieux enlevés à l’Italie à la suite de nos conquêtes seraient transférés de Charenton, où des bateaux les avaient apportés, jusqu’au centre de Paris avec la pompe et l’appareil d’une cérémonie antique. Un témoin oculaire, qui vivait encore il y a quelques mois, M. E.-J. Delécluze, dans son livre sur Louis David, nous a donné un récit intéressant de cette entrée triomphale, où ne manquait que le triomphateur, alors en Égypte. À la vue des chefs-d’œuvre de l’antiquité et de la renaissance dont nos musées allaient s’enrichir, de vives espérances s’éveillèrent. On se plut à rêver pour les arts plastiques une ère nouvelle de fécondité. On se flatta qu’autour de l’Apollon du Belvédère, des Muses, du Laocoon, du Gladiateur, des merveilles rivales de celles-là ne tarderaient pas à éclore. Quelques hommes toutefois, Quatremère de Quincy et Louis David surtout, en jugèrent autrement. Ils pensèrent et dirent l’un et l’autre que les œuvres de l’art antique devaient rester en Italie comme dans leur