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de la terre, tous les élémens du régime représentatif et ces habitudes innées de self-government qui, transportées au-delà des mers par les descendans de cette même race saxonne qui a occupé jadis la région sablonneuse de la Néerlande, ont donné naissance aux communes, aux comtés, aux états de l’Amérique du Nord et de l’Australie. Les traits essentiels de l’organisation de la marche subsistent encore de nos jours ; elle forme une petite administration qui remplace à bien des égards la commune, qui veille à l’écoulement des eaux, à l’entretien des voies de communication, à la mise en valeur des terrains indivis, et qui élit ceux qu’elle charge d’exécuter ses décisions. Seulement ce ne sont plus des guerriers armés qui se réunissent au holting après avoir sacrifié à Wuodan, mais de paisibles propriétaires, de pacifiques cultivateurs qui s’assemblent après avoir fait à frais communs un bon dîner.

Lorsqu’on parcourt les vastes plaines de la Drenthe ou de l’Over-Yssel, on voit s’élever de temps en temps au-dessus du niveau de la bruyère un grand champ arrondi, d’ordinaire couvert d’une belle récolte de seigle. C’est la partie de la marche consacrée à la culture, l’essch, dont le nom semble provenir d’une ancienne racine qui a donné esca au latin et essen à l’allemand, et qui désigne ici la terre d’où les populations tirent leur nourriture. L’essch était autrefois le fonds commun où chaque cohéritier de la marke recevait annuellement sa part à cultiver, ainsi que l’indiquent si nettement Tacite et César. Pendant le moyen âge, ces parts sont entrées peu à peu dans le domaine privé ; mais la propriété individuelle est encore loin d’être dégagée des entraves de la communauté primitive, car tous les anciens usages de la culture en commun continuent à subsister. L’essch est divisé en une multitude de parcelles ; seulement, comme il n’y a point de chemin qui traverse ce vaste champ cultivé, ces parcelles sont sans issues aussi longtemps que la récolte est sur pied, et rien ne les limite, sauf quatre gros blocs de granit erratique fixés en terre aux quatre coins. Il résulte de cette disposition qu’elles doivent toutes être emblavées des mêmes grains, labourées, semées, moissonnées en même temps, car si un propriétaire voulait mettre par exception une céréale de printemps quand ses voisins ont adopté une céréale d’hiver, il ne pourrait faire les labours et les charriages de l’engrais sans occasionner de notables dommages qu’il devrait payer, et qui lui attireraient l’inimitié de tous.

La rotation triennale est encore généralement suivie ; le champ est divisé en trois parties : le winteressch, où l’on met le seigle d’hiver, le someressch, où l’on sème du seigle d’été, et le brachessch, qui restait en jachère autrefois, mais où l’on cultive maintenant du sarrasin. Le corps collectif des exploitans s’appelle deboer,